Des marrons dans la tronche de Chou Papier Toilette – Blog de Papa Lion

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Une figurinette en caoutchouc est suspendue depuis un bon mois au rétroviseur de mon tacot qui se métamorphose en limousine une semaine sur deux. On l’a appelée « Chou Papier Toilette » parce que c’est le joli nom que lui a trouvé Bébé Lionceau et que cette figurine ne valait rien avant d’être collée par la grâce d’un coup langue au miroir qui se trompe de direction, et de devenir alors un colifichet au grand banditisme car Chou Papier Toilette est un vilain : il gronde les enfants qui font les andouilles sur la banquette arrière. Quand ça canaille sur le deux tiers un tiers, les yeux de Chou Papier Toilette deviennent tout rouges. On se marre bien dans ma limousine.

Limousine qui vient fatalement de redevenir tacot par la disgrâce d’une fin de dimanche pluvieux donc imper. Je reviens marron chez moi et d’ailleurs il y en a jusque dans mon tiroir à chaussettes, des petits marrons surprise qu’on a ramassés par paquets de cent mille au jardin. J’ignore si je dois rire ou rire.

Forçons-nous à rire et quoi de plus drôle que le métier d’enseignant ? Par exemple, le Directeur académique des services de l’éducation nationale du Gard, en vocabulaire terrien le chef de chez nous s’appelle M. Pathos. Ca ne fera rire que les collègues mais c’est déjà ça. Au hasard encore : la mère de mon petit élève M. s’est convoquée d’elle-même l’autre jour parce que M. est un peu comme moi : il est dans le rouge à chaque fin de journée. Alors on fait le point. Moi : M. est très fatigué, ben oui mais il ne dort pas. Ah d’accord c’est pour ça. Moi, très psy (6 années d’études supérieures) : il pourrait dormir un peu plus par exemple. Mais c’est pas possible parce qu’il n’arrive pas à s’endormir. Moi : alors il devrait regarder un petit livre avant de se coucher. Mais c’est pas possible non plus ça parce qu’il regarde la télé très tard. Moi : ben vous pourriez éteindre un peu plus tôt et lui montrer un livre mais ça aussi c’est impossible car M. joue à la tablette après la télé. On arrive quand même à négocier un peu moins de tout ça et puis ce n’est pas fini, j’apprends que M. dort dans un lit parapluie. Un lit parapluie ? Ce n’est pas pour les bébés ça ? Ben si mais il a peur dans son grand lit. Mais sa tête ne touche pas les parois ? Ben si. Mais ça aussi ça l’empêche peut-être de dormir ? Ah oui peut-être. On négocie de refermer le lit parapluie (je le refermerais bien avec M. dedans mais ça je le garde pour moi) et je demanderai demain à M. s’il a dormi dans son lit de grand. On parle un peu du travail, quitte à enfoncer une porte ouverte parlons boulot : M. n’aime pas du tout, mais alors pas du tout, mais alors carrément pas travailler. Ca je vous le fais pas dire Monsieur, de toute façon M. il veut faire comme ses deux tontons plus tard. Lueur d’espoir quand même et semblant d’intérêt : et ils font quoi du coup les deux tontons ? Ben, rien. Ah. Verdict, le travail, c’est sûr, M. le maudit. On évoque aussi les gros mots parce que moi même si je dormais dans un lit parapluie je n’insulterais pas les copains à longueur de journée et la maman de M. s’indigne: avant le CP, M. ne disait jamais de gros mots. D’accord c’est donc de ma faute (je commence à perdre patience, j’ai mes enfants qui attendent avec Mathilde à la maison, Mathilde c’est la baby-sitter, une crème, mais enfin une crème qui a quand même une vie). Non ce n’est pas votre faute mais quand même l’autre jour y’a un camion poubelle qui est passé dans la rue et M. s’est précipité à la fenêtre pour crier : « P…..de s…… de f……… de etc. de camion poubelle ». Dans cette phrase, « camion poubelle » n’est pas un gros mot, je ne soupçonnais pas que tout le reste puisse sortir de la bouche d’un enfant de 5 ans et la maman de M. a une explication : M. est de la fin de l’année. Là je ne vois pas le rapport mais mes enfants qui m’attendent à la maison et Mathilde qui a une vie quand même, Mathilde si tu lis ces lignes sache que tu es la meilleure baby-sitter du monde, bref j’abrègerai après avoir pu évoquer un peu l’agitation de M. en classe. M. est très agité. Vous voyez, bon, c’est pas dramatique, mais M. passe son temps à se retourner et à agiter ses jambes, ça fait du bruit, ça dérange sa voisine et ça dérange tout le monde. Je m’attends à ce que ce soit la faute du lit parapluie ou ma faute à moi à y être. Eurêka je n’y suis pour rien : ça tombe là, d’un coup sec, d’ailleurs je crois que je n’oublierai jamais ce rendez-vous avec la maman de M. ; si M. est très agité, ce n’est ni ma faute ni la sienne. C’est parce qu’il a des vers.

On se serre la main et on se promet de se tenir au courant. M. me dit au revoir Maître, je lui réponds au revoir M., ce n’est qu’un enfant finalement, un enfant qui n’a pas beaucoup d’aide. Ah oui mais un sacré client. Je me demande ce que Céline Alvarez ferait avec M.

Dans les yeux de M., je crois lire un début de réponse : Céline Alvarez, elle ferait ch…

Ca m’échappe.

Voilà, c’est ça qui m’attend demain. N’empêche, penser à tout ça en me remettant au travail me fait oublier la pluie. Et aussi que dans le rétroviseur, tout à l’heure, à côté de Chou Papier Toilette, il y avait les deux yeux sombres ou peut-être devenus tout rouges d’un joli petit garçon qui attendait que la limousine de son Papa disparaisse au coin de la rue. Oui car c’est sûr : ma limousine soudain sous-équipée a attendu d’avoir déboîté pour redevenir tacot.

De droite, vraiment ? Blog de Papa Lion

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Un canard féminin, donc une cane qu’il m’arrive de feuilleter, moi l’homme, depuis que j’enseigne la théorie du genre à mes CP titre ce mois-ci : « Les enfants sont-ils de droite ? ». Ah oui tiens, la question du curseur politique des moins de dix ans mérite d’être posée. A question cane réponse conne : un peu oui et puis un peu non aussi. Je m’explique. Tentant d’initier ma fille à la prose de Saint-Exaspérant et au dessin animalier, je lui ai un jour demandé entre la poire et le babybel : « dessine-moi un mouton ». Notez que le ton de la demande confinait à l’injonction et déjà ma fille choisissait à dessein ses crayons à dessin eux aussi. Le mouton fut énorme et tenu en laisse, et c’est là que s’est révélée la tendance politique de ma jolie chérie : la princesse qui tenait la laisse était vêtue d’une robe immense et chaussait à chaque pied un escarpin pointu(re) 54. Elle portait une couronne arrogante et le prénom de ma fille. Ma fille n’avait pas choisi de dessiner n’importe quel mouton : elle avait dessiné le sien, celui d’une princesse bling bling qui considère que si à 5 ans on n’a pas de mouton, c’est qu’on a raté sa vie. Alors de droite oui, carrément, genre droite pas partageuse, elle a par exemple un papa et son papa c’est rien que le sien et sa maman c’est pareil, alors elle partage avec son frère sans quoi y’a monopole et tout un tas d’emmerdements mais n’envisageons pas le moindre service public des câlins : y’a des enfants qui n’ont pas accès à la tendresse eh ben tant pis, c’est comme ça, c’est la loi des hommes et il faut bien être le riche de quelqu’un. On ne peut pas accueillir toute la misère du monde dans le P3 de Papa ! Et ça capitalise, ça fructifie et ça en veut toujours davantage, parce qu’on n’a pas fait sur la joue ou sur le front ou qu’on n’a pas serré assez fort.

De droite aussi mon fils, self-made young man quelque part entre deux Donald, Trump et Duck, il fait du vélo tout seul, il lit tout seul, il passe ses après-midi tout seul et ses devoirs il les fait tout seul. Petit épargnant de ficelles scoubidous mais grand propriétaire de légos, c’est une fortune non négligeable qu’il accumule dans la chambre qu’il partage à désarroi aussi grand que sa sœur est petite. Le futur Picsou construit en Kapla des coffres forts qu’il m’est interdit de piétiner et bonne chance pour accéder à la salle de bains en pleine nuit. Que personne ne vienne piétiner ses plates-bandes. Alors bien sûr il fricote avec la plèbe : ses meilleurs copains sont le lego éboueur et même le lego pompier, un fonctionnaire dîtes ! Plus tard il sera médecin pour prescrire du Pivalone mais que les choses soient bien claires, ce ne sera plus remboursé. De bonne heure mon Bonheur veut qu’on lui serve un lait pas trop froid pas trop chaud pas trop tiède non plus et le pain de mie sera sans croûte. C’est de droit et de droite, donc.

Toutefois la politique est indécise. C’est le domaine des indécis heureux. A ce titre mes enfants sont aussi un peu de gauche, enfin parfois.

L’autre jour je rapportais à mon fils qu’un de mes élèves passait ses journées dans la rue avec des parents qui l’aident à réviser sa numération : 1664, 8,6. C’est dégueulasse de lui raconter des trucs pareils d’ailleurs il a bien culpabilisé 5 minutes d’avoir un papa qui boit des bières de luxe et c’est ça qui fait son côté de gauche : mon fils a de la compassion 5 minutes. Je crois bien qu’il l’aurait invité dans sa chambre, mon petit élève, et peut-être même qu’il aurait eu droit à jouer au lego, au moins le lego éboueur. Mauvais blague à part Grand Frère Lion est plutôt de gauche à bien y réfléchir : gauche tendance baba-cool, faut voir sa tête quand je lui propose d’acheter un nouveau pull, ben c’est pas la peine j’en ai déjà un, ben c’est pas grave s’il est un peu juste, ben de toute façon ce sera bientôt l’été, ben oui mon coco on a qu’à porter du 4 ans toute sa vie. Mon fils est un apôtre de la décroissance : on consomme trop, d’ailleurs on ne devrait pas manger autant, quel gaspillage, du coup à table c’est trois petits pois maximum pour pas abuser, la peau sur les os c’est bien assez et pourquoi donc prendre la voiture pour aller par ci par là quand on est si bien chez soi ? Il est écolo avec ça, quand je mets mon pot de yaourt dans la poubelle noire ça le rend Vert. Sa sœur est pire : elle a su lire BIO avant papa et maman, on ne se vantera pas que tout cela s’est passé en moyenne section, ben non il ne faut pas se vanter de ce genre de choses, on est de gauche mais modeste, ma fille c’est la gauche caviar quoique le caviar ça la ferait pas trop rêver, disons plutôt gauche chocapic : elle voudrait que tous les enfants soient heureux mais dans le petit panier de son vélo rose y’a qu’une place et c’est celle de son ours à elle, nabab parmi les parias.

Mes enfants seraient-ils centristes ? Centristes autocentrés, ce sont des enfants, leurs caprices c’est le caprice des dieux et j’espère qu’ils découvriront le plus tard possible les bêtises qu’on a tort de lire dans les mensuels.

(Ca me rappelle un article qui date d’une autre vie et donc d’un autre blog, disparu à jamais, mais dont voici une trace puisque c’est le sujet passionnant du jour, alors ça date de septembre 2012 et je me suis donc posé deux fois la question de la politique en quatre ans ce qui fait déjà deux fois de trop :

« Nous rentrons de l’école, nous marchons dans la rue. Grand Frère Lion me désigne un truc à gauche. Pas du doigt : il me dit de regarder à gauche, parce qu’il y a un truc. Je regarde à gauche. Rien. En fait, c’était à droite.

Je me dis que mon fils ne distingue pas encore bien sa gauche de la droite. Je lui explique que sa main droite est celle par laquelle il tient son crayon. Il me répond qu’il n’a pas de crayon dans la main.

Je rentre chez moi. Je rapporte cette anecdote à Bébé Lionceau, toute occupée à sortir tous les DVD de leurs boîtiers. Elle ne m’écoute pas. Je devrais la gronder. Pas pour les DVD, ça fait longtemps qu’elle les a rayés. Je devrais la gronder parce qu’on écoute son papa.

Alors je raconte cette histoire à Maman Lionne. Elle s’en fout, elle à qui il arrive également de confondre la droite et la gauche. Les lions ne font pas des chats.

Alors je me la raconte à moi-même et je repense à mon fils ; je me dis que ce n’est pas grave, confondre droite et gauche. Sauf qu’un jour, totalement, tendrement, tragiquement, mon fils demandera à son père s’il est de gauche ou de droite.

Celles de l’hémicycle, j’entends.

Alors, je me suis posé la question.

Je suis fonctionnaire ascendant enseignant. Je suis fier d’exercer un métier d’intérêt général. Je suis donc de gauche.

J’ai mis mes enfants dans le privé, parce que l’école publique de mon quartier pourri a une très mauvaise réputation. Je suis donc de droite.

Je crois au service public. J’aimerais plus d’Etat et je me désespère de voir l’enseignement, l’hôpital, la Poste désorganisés par les objectifs de rentabilité. Je compte la sécurité sociale parmi ce que nous avons de plus précieux en France. Je suis fier de payer des impôts. Je suis donc de gauche.

Je trouve qu’il y a trop d’assistés. J’aimerais bien payer un peu moins d’impôts, quand même. Je suis donc de droite.

J’aime Houellebecq, Céline, Drieu la Rochelle. Je serais d’extrême droite.

J’aime aussi Sartre. Je suis donc communiste.

Parmi mes meilleurs souvenirs d’enfance figurent les JT de Bruno Masure. J’étais déjà de gauche.

Parmi ces souvenirs, il y a aussi les émissions de Collaro (même pas honte), les matches de foot commentés par Roland et Larqué (même pas honte), les sketches de Michel Leeb (un tout petit peu honte). J’étais déjà de droite.

Je suis très attaché au respect des règles de la République. Aux règles de façon générale. J’aimerais qu’on applique le code pénal à la lettre. Je crois que respecter les règles, c’est être digne de la République dans laquelle on vit. Je suis de droite.

J’ai doublé par la droite. Je suis de gauche.

Une citation de Jean-Luc Godard se glisse dans cet article, faisant de moi un blogueur intello de gauche.

J’adore, j’adore mille fois le sketch de Bigard, La Chauve-souris. « Bon, admettons ». Je suis un blogueur populo de droite.

Dans mon métier, je suis conservateur. Ma pédagogie est assez transmissive, je l’assume et le revendique ; mes règles de classes sont à l’ancienne. Je ne pense pas qu’avoir mis l’élève au centre des apprentissages ait été une bonne chose. Un élève qui a des difficultés familiales n’a pas davantage le droit de se tromper ou de faire chier le monde qu’un autre. Je suis très conservateur, voire réactionnaire. Je suis très de droite.

Dans mon métier, je trouve que nous ne sommes pas assez. Il faut recruter des enseignants. Payer des enseignants n’est pas une dépense, c’est un investissement. Je suis donc de gauche.

Dans mon métier, il y a un paquet de planqués, de glandeurs. De nombreux enseignants sont des tire-au-flanc. Je pense qu’il faudrait les virer. Je suis contre la sécurité de l’emploi. Pour penser cela, je dois être de droite.

Oui mais je considère l’instruction comme le meilleur vecteur de réussite sociale. J’y crois. Je voudrais qu’à niveau égal, tout individu ait les mêmes chances. Je crois au mérite. Je voudrais que mes enfants réussissent par l’effort et non par l’argent. Je suis républicain. De gauche.

Que les chefs d’entreprise qui créent de l’emploi et donc de la richesse soient bien payés, très bien payés, ne me choque pas. Au contraire. Je trouve normal, sain, rationnel et juste que le patron vertueux gagne mieux sa vie que l’employé, aussi vertueux soit-il. J’admire l’entreprise, j’admire les entrepreneurs. Alléger les charges patronales ne me paraît pas aberrant. Tiens, je suis de droite !

Oui mais il y a tous ces patrons voyous…Et qu’un balayeur des rues touche le même salaire que moi ne me choque pas. Tiens, je suis de gauche.

Voilà.

Sinon, le truc que mon fils voulait me montrer, à droite là, ben c’était un panneau de signalisation routière. C’est son nouveau dada, les panneaux de signalisation, il voudrait nous en planter un peu partout dans la maison pour ne plus qu’on se rentre dedans. Ce panneau indiquait une interdiction de tourner. Mais alors, de quel côté, ça, j’ai complètement oublié. »