Oh la jolie risette ! Mon fils ne paraît pas très à l’aise sur le fauteuil de Toni, coiffeur de son état, son état c’est Chueca, Toni est dans un drôle d’état et c’est ainsi que nous occupons le temps en cette journée pluvieuse de notre viaje en Madrid. Nous modérons l’enthousiasme de Toni et ressortons avec des cheveux plus courts que lorsque nous sommes entrés, mais de la même couleur.
Ainsi s’achève un nouvel opus de nos virées à trois et ça a été aussi agréable que d’accoutumée. Madrid c’est pas Paris et ça c’est plutôt bien vu ; si on ajoute que c’est pas Londres non plus, c’est limite pertinent. Non mais c’est agréable quand même et puis c’est facile à visiter, la gran Via, la pequena Via, la media Via etc. Entre les bombardements de la Phalange qu’on a pointés du doigt au Musée de la Reina Sofia et les Grâces potelées du Prado on a quand même réussi à bien rigoler, comme à chaque fois, merci mes gamins. On s’est amusé aux musées. Et ça c’est pas rien, dans le monde ambiant, le contexte ambiant, l’ambiance ambiante, se marrer d’à peu près tout avec ses enfants, c’est bonnard. Qui, lui, serait plutôt resté à Orsay.
Résider à Chueca n’est pas de tout repos, surtout entre 22h et 7h du matin et c’est l’occasion de parler « genre » avec les enfants. Alors il faut s’accrocher et faire preuve de la plus grande tolérance car t’as vite fait de passer pour un vieux con si t’as des réticences, donc je ravale mes idées préconçues et je ne dis pas non à défaut de dire le contraire quand ma fille m’annonce qu’elle a du mal à se situer : aux dernières nouvelles, mais ça fait quand même plusieurs jours que ça dure alors c’est à prendre au sérieux, elle se sent à la fois elfe et kouign-amann. Un papa en errance, un psychiatre dans la salle ? Le kouign-amann, bon, ça doit être les origines mais pour le reste, je ne vois pas. J’ai dû louper un truc entre les biberons et le CP, elle a dû voir des trucs qu’elle n’aurait pas dû. Total, elle se dit elfe. Esso-rible ? Non, Fina-lement. Avec ça elle me demande à longueur de journée « Cual es tu preferida estacion ? ». Je lui réponds inlassablement « La primavera mi amor, la primavera. ». Ca suscite sa satisfaction, alors elle me dit « yo tambien » et nous sommes heureux.
Et mon fils donc, qui n’acceptera désormais de se faire couper les tifs qu’en Espagne, comment se voit-il ? Eh bien ça dépend des jours. Qu’il enfile sa parka Décathlon et nous devons l’appeler Inspecteur Queshua. Qu’il s’entiche du logo de la Poste espagnole, un cor de chasse, et le voilà qui passe sa journée à nous jouer de la trompette avec sa bouche, et juste en plus, et les madrilènes se retournent à notre passage. Lui non plus n’est pas binaire : il est encore un peu enfant et pas tout à fait adulte. Ce n’est pas facile à suivre surtout qu’il marche à toute vitesse et qu’à la différence de son père, il n’a pas besoin de lunettes pour s’orienter dans la ville.
Non mais Goya, Rubens, Velasquez, on n’y connait pas grand-chose, on n’y comprend rien, on a mal pour Jésus, on trouve les aïeux de Felipe VI particulièrement prognathes, mais ce qu’on rigole ! Vacances de tout.
J’ai constaté que les blogs parentaux que j’ai fréquentés et dont les auteurs ont été mes amis quand je m’y suis mis aussi (2010, quelque chose comme ça) commencent à fermer. Normal, les enfants ont grandi, on s’émerveille moins, on dort mieux la nuit, en tout cas on pourrait. Je ne vais pas renvoyer vers eux, c’est fermé. « C’est le début de quelque chose d’autre », m’entends-je annoncer. Arrêtez les copains, c’est la fin de l’enfance, tout simplement. L’enfance a foutu le camp. C’est tant mieux, bien sûr, c’est pas mettre un pied dans la tombe, c’est mettre un pied devant l’autre et se satisfaire qu’on avance.
N’empêche qu’ils me manqueront quand ils ne voyageront plus avec moi.