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Le portail qui n’ouvre pas grand chose – Blog de Papa Lion

Je me suis levé de bon matin et les enfants jouaient déjà à l’école des doudous dans une chambre, du coup j’ai joué à l’ « école de la confiance » dans mon salon en me connectant au Portail de saisie et de restitution des évaluations nationales (en vrai, le portail hébergé par Amazon mais qui dysfonctionne grave). Je suis un peu à la bourre pour saisir des évaluations de rentrée mais comme on les a eues en retard et que les élèves n’ont rien saisi et qu’elles ne servent à rien, les évaluations nationales, eh bien je ne me stresse pas trop. Les élèves, eux, étaient bien stressés quand il a fallu s’y coller. C’était écrit « Pour l’école de la confiance » sur la page de garde et on a reçu la consigne de bien leur dire qu’ils avaient le droit de se tromper et même de ne rien répondre s’ils ne savaient pas. Pour une fois, ils ont bien suivi la consigne. C’est pas mal de prévenir les enfants qu’ils vont se tromper, voire n’être capable de rien écrire. C’est « l’école de la confiance ».

« Peut-être que vous n’y arriverez pas. Ce n’est pas grave. Si vous ne savez pas, vous n’entourez rien et vous attendez que je lise le problème suivant. N’ayez pas peur, faites comme vous pensez. C’est important. ».

(Démerdez-vous.)

Il paraît qu’ils ont tout fait au ministère pour que les parents ne puissent pas se procurer le guide de l’enseignant pour la passation de consignes. Tu m’étonnes.

Ca nous a pompé une semaine de classe et de bonne humeur. Les élèves ont tourné les pages et n’ont pas vraiment compris pourquoi on leur imposait ça. Nous non plus ! Le temps des évaluations, il n’était plus temps de différencier, de manipuler ni d’encourager les réussites. Il s’est agi de se repérer tant bien que mal dans des formulaires A4 interminables et rigides jusqu’à la passation de consigne qu’il nous a été demandé de formuler verbatim, deux fois, à quinze secondes d’intervalle.

Le langage oral n’a pas été évalué. Ni la créativité des élèves. Ni leurs compétences motrices, ni leur santé, ni leur équilibre. C’est pourtant dans les programmes et ça vient du même ministère. On est en droit de s’interroger : le connard qui a conçu ces évaluations, il ne se foutrait pas un peu de notre gueule ?

Alors je me suis bourré le crâne (l’an prochain, la tronche) ce matin tôt, parce que mes enfants étaient pris par l’école des doudous et surtout parce que du lundi au samedi entre 8h et 23h, le serveur bugue. C’est rageant parce qu’on n’a pas envie de le faire, vu que c’est contre-productif et qu’on a aussi sa semaine à préparer et qu’on aimerait profiter de la vie, et bim ça bugue. Le fonctionnaire dysfonctionnant. On nous impose des outils dont on n’a pas envie et qui vont à l’encontre de l’intérêt des élèves, qui coûtent une fortune, qui engraissent Jeff Bezos et dont il faut faire remonter des données. Et puis ben…Ca bugue.

convivial et opérationnel, le Portail de saisie

A l’Education nationale, on recrute des guignols qui font inscrire sur les formulaires d’évaluation  « Pour l’école de la confiance », mais on n’est pas fichu de recruter un informaticien. Pas d’informaticien, pas de médecin du travail, pas de ressources humaines. Mais un Portail de saisie et de restitution des évaluations nationales (en vrai, le portail hébergé par Amazon mais qui dysfonctionne grave).

Et les publicités pour BMW ont remplacé Laspalès et sa Matmut sur France Inter ! Tout fout le camp dans le métier !

On lit sur l’écran « L’erreur suivant s’est produite : » ; mais on ne sait pas de quelle erreur il s’agit. C’est le même tarif pour les élèves. Ils auront tous fait des erreurs, mais je ne leur expliquerai pas lesquelles. J’aurai un tableau excel, un truc du genre, enfin je suppose. Je l’aurai peut-être au mois de janvier. On me dira alors que ce sera déjà l’hiver qu’à la fin de l’été, untel écrivait ses chiffres à l’envers et qu’il n’a pas identifié que lunettes finit comme pirates.

De toute façon, dans mon oreille à moi, en été comme en hiver, lunettes ne finit pas comme pirate mais comme planète.

Finalement, j’apprends que l’erreur qui s’est produite, c’est l’erreur 304. Me voila mieux. Je suis toujours bloqué.

Ca bugue et que ça re-bugue, même le dimanche matin, le Portail de saisie et de restitution des évaluations nationales(en vrai, le portail hébergé par Amazon mais qui dysfonctionne grave). Mais je ne me résous pas à me lever la nuit pour faire ça. Ils n’auront sans doute pas toutes les réponses de mes élèves, rue de Grenelle. Je serai mal évalué.

Je descends voir les enfants. Dans l’école des doudous, pas d’évaluations nationales. Le maître et la maîtresse ont l’air de bien s’entendre. Personne ne les empêche de travailler. D’ailleurs, à part Kiki qui est encore puni, les doudous ont l’air heureux.

Premiers secours et compassion – Blog de Papa Lion

On peut crever tranquille.

Ma fille me dit que je peux tomber dans les pommes et qu’elle saura quoi faire, je n’ai pas très envie de claquer mais on insiste, alors avant de me laisser convaincre je me renseigne tout de même, t’inquiète me fait-elle comprendre, tombe dans les pommes et tu verras, je ne suis pas sûr de bien voir en tournant de l’œil mais c’est urgent alors je m’étale de tout mon poids sur un carrelage un peu froid et il faut reconnaître qu’ils les ont bien formés à l’école parce qu’elle garde son sang froid et me demande instantanément de faire le un-un-deux ; comme je ne suis pas en état de répondre, mon premier secours me prodigue les premières secousses : papa, réveille-toi, il faut vraiment que tu fasses le un-un-deux. Elle se fait du mouron à mesure que je me fais mourant : Papa, allez, fais le un-un-deux !

C’est perfectionnable.

C’est bien qu’ils apprennent ça ces petits, ils sauveront des vies c’est sûr. J’espère que ce ne sera pas la mienne. Mais si ça devait l’être j’aimerais que ce soit elle.

Depuis sa formation aux premiers secours ma petite infirmière est persuadée que je peux mourir à tout instant. Pas faux. Mais tout de même : mets ton casque, range le couteau, tourne le manche de la poêle vers le mur et sèche bien tes mains avant de brancher le mixeur. (Roule prudemment sur la piste recyclable). Faudrait pas porter la scoumoune gros bébé !

Dans la poêle dont le manche est dorénavant puni face au mur cuisent des lardons. C’est dégueulasse les lardons, plein d’antibiotiques et de colorants et de conservateurs et de gras. On y aurait décelé du porc. Mais les carbonara sans lardons c’est fade, ma secouriste veut bien les essayer, les pélardons dans les pates, elle confond tout, tout fond c’est con mais c’est bon. On carbone à ras. Le grand frère qui sait tout se met en évidence : Papa, tu savais que le Nil…ouaouh, il va m’en mettre plein la vue…ben le Nil…quand même, quelle tronche ce gosse…ben le Nil, est-ce que tu savais que c’est le plus grand fleuve…punaise il est bon…ben le Nil c’est le plus grand fleuve de France. Tu le savais ça Papa ? Le Nil, le plus grand fleuve de France ? Punaise, il est vraiment bon.

Ushuaia est encore au stade du gel douche. Mon intello déguisé en Kirikou chausse du 33 mais l’orteil touche le bon bout.

J’enlève les pélardons des pâtes à la plus rien du tout pour ma fille. Je géographise mon fils. J’éduque à la Dusnek, les sages sauront.

Nous jouons au ping-pong avec des balles couleur kaki qui depuis peu est orange. Ca doit être plein de vitamines ça, mais c’est dégueu. Je sors le tube d’acérola, je confonds tout moi aussi et nous rigolons beaucoup.

Mon fils va avoir dix ans. C’est là, demain, une semaine, dix jours et ça fera dix ans qu’il est tout petit. Paf. Je cours après le tant qu’il est petit. Comme il est encore tout petit il me reste du temps, à dix ans il sera mon grand et pas tant. Ma fille b-a-bate, je suis béat. L’enfance s’ébat.

Je me suis à présent ouvert le bras en bricolant. Ca pisse le sang. C’est un scénario à deux balles, ma fille pense que je peux pisser le sang quand je bricole avec un pauvre tournevis. Ma fille panse car je pisse le sang : elle appuie et rit. Quel sang froid. Je suis mort, deux rires. Je n’ai pas à m’inquiéter : elle a appris à faire une compassion, à l’école. Moi qui allais bien, je me sens déjà mieux.

Enfoncer les portes ouvertes – Blog de Papa Lion

Je m’ennuie pas mal pendant que le formateur nous accable de sa position hiérarchique et sa chemisette jaune. Nous sommes debout, il est assis. Je note : « penser à m’asseoir plus souvent face aux élèves ». Enfin bon je m’habille chez Jules c’est quand même plus la classe ! Son powerpoint est agrémenté de quelques erreurs d’orthographe qui modèrent mon assoupissement et font le sel de ces animations peu pédagogiques. Il y est question du sens : il faudrait insister davantage sur l’explicite. Rappeler aux élèves qu’on apprend à lire pour savoir lire, ce genre de trucs. Ma présence stagne pourtant dans l’implicite vaseux. On m’a dit de venir, je voulais rester avec mes élèves, on m’a dit de venir quand même. J’ai très envie de partir tout de même quand on nous recommande de bien observer les élèves pour identifier ceux qui sont en difficulté. Je suis en TRES GRANDE DIFFICULTE et demande à aller aux toilettes en joignant le geste à la parole, tellement je ne peux pas me retiendre.

Comme souvent et parce qu’il n’y a pas mieux je pense à mon fils, élixir de paix intérieure. C’était à Castorama et pendant qu’on configurait une cuisine pour moi qui ne suis pas capable de le faire, le petit d’émoi testait toutes les cuisines et s’extasiait devant les charnières électriques et les tiroirs à épices. La blague : il ne les supporte pas, les épices. Ma conseillère (pédagogique) mention cuisine avait un sein gauche énorme et tatoué à sa mesure. Je m’extasiais aussi tandis qu’elle m’orientait, pour la pose, vers un artisan « qui travaille bien ». J’ai cru comprendre qu’elle le connaissait vraiment, mais alors vraiment très bien. Je suis reparti avec son mail et un tube de colle forte parce que je suis un papa qui bricole.

C’est l’après-midi formatage et nous changeons de formateur pour ne rien gâcher du temps perdu. Le temps, c’est de l’argent : voilà pourquoi nous sommes si bien payés. La formation c’est précieux dans l’éduc à la con nationale. Je crois bien que c’est la femme de l’autre, ils ont le même nom et les mêmes Birk en stock. L’IUFM n’a pas changé sauf le nom, que je n’ai d’ailleurs pas bien retenu, faut dire qu’on s’en fout. Y’a dans l’assistance (publique) un conseiller que j’aime bien, ce qui en fait quand même un, faut dire qu’il a le café chantant et de l’humour. Sans lui je partais à la pause et la mienne est à 10 heures le matin. Ses bons mots font passer le mal et l’heure plus vite. Je lui dédie cette publication parce qu’on voit très vite que c’est un mec bien. Alors en parlant de mec bien je pense encore à mon petit qui doit errer dans la cour et se chercher des sympathies chez les copains de sa petite sœur. Il veut écrire un texte pour le Printemps des auteurs, parce que le thème lui parle. C’est « La tête dans les étoiles ». Ouais, ça me parle bien aussi. On écrira à deux plumes à friction.

J’observe la circonscription avec circonspection. Comme eux non plus ne voulaient pas que j’aille à la formation (ils ont tout compris ces petits gars, la voix de leur maître !), j’ai promis à mes élèves de revenir lundi avec plus de choses encore à leur apprendre. Mensonge ! Promesse de Gascon ! On essaie de m’apprendre qu’il faut les observer. Bon. Ils me manquent, là. S’ils savaient à quel point on se moque d’eux, à l’école des maîtres et des maîtresses. L’inspecteur s’est costardé façon Célio pour nous vendre des litotes et même que ce sont de pâles euphémismes. Il s’écoute parler pour ne pas être le seul. Y’a la conseillère pédagogique qui ne dit rien mais consent et c’est déjà beaucoup trop. J’en ai vraiment marre. J’exulte quand je lis qu’il faut palier à l’échec. Ca me donne deux ailes, ça doit être l’esprit d’escalier. Se faire donner la leçon par des dysorthographiques me donne envie de faire arts plastiques toute la journée, lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi. Je me rappelle la grammaire chancelante de mon dernier rapport d’inspection, que je ne publierai pas par seul souci de pouvoir payer ma cuisine.

Du coup je repense encore à Castorama. Y’a des portes à vendre, des portes qui ne donnent sur rien. C’est un magasin où y’a des

portes ! Mon fils s’est amusé à les traverser. Absurde et jouissif. La vie, la tête dans les étoiles.

Absurde et jouissif

Septembre, Maurice Carême et tableaux de conversion – Blog de Papa Lion

Bébé Lionceau porte des chaussettes à motifs et des crocs et je me fous un peu d’elle mais elle est habillée à l’italienne alors finalement je dis oui (j’aime bien l’Italie, tout le monde aime bien l’Italie) puis elle me demande ce que ça veut dire à l’italienne. Je lui recommande la lecture du penseur Barzotti. Je l’aime à n’importe quel pays et change d’idée sur les italiennes. Elles ne sont pas plus belles que les autres : elles portent en toute simplicité des crocs et des chaussettes. C’est tout. Nous apprenons la poésie de l’automne en zozotant que les feuilles rousses font un tapis d’or et vice-versa. C’est le cours préparatoire. On se prépare à apprendre des poésies à la con. Je la prie d’enlever ses chaussettes. Le CP c’est le début de toutes les emmerdes et Grand Frère Lion qui court moyennement deuxième année s’embourbe dans son tableau de mesures. Quand je pense que je fais ce métier, moi aussi. Il faudrait supprimer les devoirs, ça sert à pourrir les jolis week-ends, il faudrait avoir l’audace d’écrire pour les devoirs de profiter du week-end et de jouer à courir après son père mais il faut faire des tableaux de conversion et apprendre des poèmes de Maurice Poème. Y’a pas plus cons que les instites. Je me demande quelle tronche il pouvait avoir, Maurice Carême, bon allez je cherche et je trouve ça :

J’évite de montrer ça à Bébé Lionceau. Elle pourrait croire que c’est Picasso. On prépare l’apéro et puis pschitt, pas d’apéro, les enfants s’en vont et je m’enquille le sauciflard à moi tout seul. J’entretiens des relations privilégiées avec la CAF, Free, La Poste, EDF pour le gaz, GDF pour l’électricité, le courtier, l’ancienne propriétaire, l’autre ancienne propriétaire, la banque populaire et je me demande bien pourquoi. On a écrit une chanson avec les élèves, hier. C’est ou ce sera la chanson du vendredi. Vendredi on envoie danser les tubes de colle, un truc dans ce goût. Un tube décolle. On s’amuse bien.

Je voudrais juste apprendre à mes élèves à lire et à écrire des chansons mais faut que je les évalue parce que c’est le début d’année de fin de septembre. Je ne sais pas du tout pourquoi il faut faire ça.

On a déménagé, c’est chouette, le voisin ronchonne et le chat ronronne. On est dans les arbres, une cabane. C’est clafi de bonnes ondes et de moustiques. Je mets les fringues trop petites de ma fille de côté, pour ma nièce. Je mets les fringues toujours à sa taille de mon fils, pour l’hiver. C’est toujours un bel enfant en six ans. Il tire dessus ou c’est que les fringues grandissent avec lui. Il a repris le tennis, un copain qui n’en est pas vraiment un s’est foutu de lui. J’ai dit à mon fils de lui casser les dents, il n’en fera rien. La mère du copain m’a entrepris : il faudrait que je lui parle, à son fils, parce qu’elle ne s’en sort pas. Casser les pieds, casser les dents, elle me cassait tout.

La maman de Grand Frère Lion a insisté pour le tennis, elle avait raison. Qu’il s’y ferait des copains. C’est pas encore un échec mais ce n’est pas tout à fait un succès. Je me suis fait une copine : la mère du trublion casse-couilles. Elle ne me lâche plus. Elle échangerait bien son fils contre le nôtre. On entend des trucs, des fois. Ce matin j’ai entendu un papa dire à son fils qu’il fallait qu’il avance, sinon il allait le frapper. Ca m’a ébranlé. C’était un de mes élèves. J’espère qu’il m’apportera une feuille morte ou une bogue lundi matin. Pas un marron.

J’ai le moral au top avec mes enfants, et puis aussi avec mes élèves. Ils vont tous bien en classe, je crois. On se poile et on bosse et puis c’est des fois le bazar, je gueule et ça va. Je n’ai aucune envie des les évaluer nationalement. L’inspectrice m’a demandé d’aller chercher les évaluations à la circon, j’ai dit non. Elle me les a déposées, y’en a 22, j’ai 25 élèves. Je ne cherche plus à comprendre. J’ai très envie de les siphonner, les évaluations nationales de début d’année de la fin de septembre.

On a un beau jardin à présent. Grand Frère Lion fait de la pétanque et s’énerve. Bébé Lionceau court après le chat. Ils me courent après, quand on en a fini avec Maurice Carême et les tableaux de conversion.

le CP – Blog de Papa Lion

 

Bébé Lionceau entrera l’an prochain au CP et l’an prochain c’est cette année, du coup elle veut déjà lire et comme je ne lui apprends pas à lire elle s’impatiente et se demande bien ce que je peux faire dans ma classe de CP si je suis incapable de lui apprendre à lire, mais en fait je ne veux pas lui apprendre à lire, je voudrais qu’elle profite à mort de ses dernières semaines de maternelle parce que c’est la belle vie et que ce sont aussi les miennes et que je n’aurai plus d’enfant en maternelle, elle ne se rend pas compte ce que c’est, ça, pour un papa, plus d’enfant en maternelle, c’est un siècle pour elle, du sable pour moi, ça lui tarde, je lambinerais bien, les devoirs l’appellent, les devoirs à la pelle, ma poule, ne me font pas très envie. Elle lira et quand on lira tous les trois je ne servirai qu’à mettre le ton.

Elle voudrait bien aller dans mon CP.  Oh malheur ma poulette, si tu savais. Elle voudrait que je sois son Maître, mais je suis ton pèèère, comme il paraît qu’on dit dans un film qu’il paraît qu’il faudra bien que je regarde un jour. D’ailleurs elle a eu un Maître cette année, genre mon âge selon elle, genre dix ans de moins selon moi, genre taillé comme une saucisse selon elle, genre taillé comme moi selon moi, genre génial selon elle, genre un peu pas terrible selon moi. Mais je ne la prendrai pas chez moi parce que ça bouge un peu trop ma poulette, et puis il faudrait m’appeler Maître et je n’ai pas très envie qu’elle m’appelle Maître, ni qu’elle m’appelle Papa devant les copains. Ceci dit j’ai des élèves qui m’appellent Papa, le lundi matin quand ils n’ont pas bien fait la coupure, j’en ai aussi qui m’appellent Maman, ça fait rire tout le monde, moi je trouve ça chouette, je joue la Maman du coup, mais c’est rien, rien comparé à ce que m’a dit un jour mon pote Julien : un jour, ben y’a un élève qui l’a appelé Mamie. Ca c’est magique et ça, on me l’a jamais fait. Mais j’en rêve la nuit et je trouverais ça drôle que ça m’arrive tant que je ne suis pas trop vieux.

Chez moi mon cœur, quand les élèves sont polis, c’est en général qu’ils espèrent récupérer leur spinner ou qu’ils veulent retourner dans leur classe dont ils ont été bannis. On dessine des bonshommes patates parce que les bonshommes c’est rien que des patates. Enfin je sais pas, j’imagine que c’est pour ça. En même temps Grand Frère Lion en est encore aux bonshommes patates, et pourtant il est intelligent, enfin ça c’est un autre sujet. Dans mon école ma petite patate, peu d’élèves savent que la patate, c’est pas loin d’être une pomme de terre. Je leur apprends des trucs incroyables.

Elle me croit sévère mais je ne suis pas si terrible. Elle me croit bon Maître mais je ne suis pas si terrible.

Chez moi petite caille, les élèves se battent dans la cour, c’est leur récréation parce qu’en classe ils n’ont pas le droit. A les entendre, les mamans feraient toutes le même métier et on n’entend pas beaucoup parler des papas. On prête du matériel à longueur d’année, t’y crois ça ma grande ? On prête des crayons à longueur d’année. Et même, des fois, souvent, il y a des élèves qui embarquent le matériel de la classe. Ils disent que c’est à eux, même quand c’est écrit CP dessus et que c’est moi qui l’y ai écrit.

Elle fera sa lecture et dira B-A et puis BA. Elle comptera jusqu’à 100 et apprendra quelques trucs qu’elle sait peut-être déjà. Elle ne fera plus motricité parce qu’elle fera sport. Elle produira de l’écrit bien que je la trouve un peu jeune pour déjà produire. Mais elle ne fera pas de sciences, ah ben non, au lieu de ça elle questionnera le monde. C’est con ça, « questionner le monde ». Mais ce que c’est con ! Oh les programmateurs, vous n’avez rien d’autre à foutre ? Quand je pense qu’ils sont payés. Quand je pense qu’ils sont mieux payés que nous.

Elle pourrait faire tout ça dans mon école mais bon, c’est un peu dommage et pas très républicain, mais elle en ferait beaucoup moins que dans la sienne. Alors elle restera dans la sienne.

Elle joue à l’école avec son frère dans leur chambre, ils font une belle paire d’instits et je consens à jouer le rôle de l’Inspecteur. Je frelate des cordes vocales et des grands principes, je condescende, je bureaucrate. Je prends dans ma chambre les doudous qui ne se tiennent pas bien, bon ce n’est pas vraiment le rôle d’un Inspecteur, un Inspecteur serait bien emmerdé avec un enfant qui se tient mal, mais pour leurs doudous pas si vilains je fais l’effort.

Dans mon vrai métier j’ai un élève un peu pénible et un peu débile aussi, entre nous on peut se le dire, franchement il est débile, c’est pas parce que c’est la fin de l’année hein, dès le début je savais qu’il était débile, et qui me réclame encore, à la fin de son année de CP, de chanter les petits poissons dans l’eau qui nagent nagent nagent nagent. Pas trop dur à accompagner à la guitare, mais terriblement aquatico-niais. Je voudrais qu’elle ne le croise jamais dans sa vie. Alors oui, je ferai l’impasse et me résigne à n’avoir toute ma vie que les enfants des autres, dans ma classe. Et dans ma chambre, les doudous malins.

Des marrons dans la tronche de Chou Papier Toilette – Blog de Papa Lion

marrons

Une figurinette en caoutchouc est suspendue depuis un bon mois au rétroviseur de mon tacot qui se métamorphose en limousine une semaine sur deux. On l’a appelée « Chou Papier Toilette » parce que c’est le joli nom que lui a trouvé Bébé Lionceau et que cette figurine ne valait rien avant d’être collée par la grâce d’un coup langue au miroir qui se trompe de direction, et de devenir alors un colifichet au grand banditisme car Chou Papier Toilette est un vilain : il gronde les enfants qui font les andouilles sur la banquette arrière. Quand ça canaille sur le deux tiers un tiers, les yeux de Chou Papier Toilette deviennent tout rouges. On se marre bien dans ma limousine.

Limousine qui vient fatalement de redevenir tacot par la disgrâce d’une fin de dimanche pluvieux donc imper. Je reviens marron chez moi et d’ailleurs il y en a jusque dans mon tiroir à chaussettes, des petits marrons surprise qu’on a ramassés par paquets de cent mille au jardin. J’ignore si je dois rire ou rire.

Forçons-nous à rire et quoi de plus drôle que le métier d’enseignant ? Par exemple, le Directeur académique des services de l’éducation nationale du Gard, en vocabulaire terrien le chef de chez nous s’appelle M. Pathos. Ca ne fera rire que les collègues mais c’est déjà ça. Au hasard encore : la mère de mon petit élève M. s’est convoquée d’elle-même l’autre jour parce que M. est un peu comme moi : il est dans le rouge à chaque fin de journée. Alors on fait le point. Moi : M. est très fatigué, ben oui mais il ne dort pas. Ah d’accord c’est pour ça. Moi, très psy (6 années d’études supérieures) : il pourrait dormir un peu plus par exemple. Mais c’est pas possible parce qu’il n’arrive pas à s’endormir. Moi : alors il devrait regarder un petit livre avant de se coucher. Mais c’est pas possible non plus ça parce qu’il regarde la télé très tard. Moi : ben vous pourriez éteindre un peu plus tôt et lui montrer un livre mais ça aussi c’est impossible car M. joue à la tablette après la télé. On arrive quand même à négocier un peu moins de tout ça et puis ce n’est pas fini, j’apprends que M. dort dans un lit parapluie. Un lit parapluie ? Ce n’est pas pour les bébés ça ? Ben si mais il a peur dans son grand lit. Mais sa tête ne touche pas les parois ? Ben si. Mais ça aussi ça l’empêche peut-être de dormir ? Ah oui peut-être. On négocie de refermer le lit parapluie (je le refermerais bien avec M. dedans mais ça je le garde pour moi) et je demanderai demain à M. s’il a dormi dans son lit de grand. On parle un peu du travail, quitte à enfoncer une porte ouverte parlons boulot : M. n’aime pas du tout, mais alors pas du tout, mais alors carrément pas travailler. Ca je vous le fais pas dire Monsieur, de toute façon M. il veut faire comme ses deux tontons plus tard. Lueur d’espoir quand même et semblant d’intérêt : et ils font quoi du coup les deux tontons ? Ben, rien. Ah. Verdict, le travail, c’est sûr, M. le maudit. On évoque aussi les gros mots parce que moi même si je dormais dans un lit parapluie je n’insulterais pas les copains à longueur de journée et la maman de M. s’indigne: avant le CP, M. ne disait jamais de gros mots. D’accord c’est donc de ma faute (je commence à perdre patience, j’ai mes enfants qui attendent avec Mathilde à la maison, Mathilde c’est la baby-sitter, une crème, mais enfin une crème qui a quand même une vie). Non ce n’est pas votre faute mais quand même l’autre jour y’a un camion poubelle qui est passé dans la rue et M. s’est précipité à la fenêtre pour crier : « P…..de s…… de f……… de etc. de camion poubelle ». Dans cette phrase, « camion poubelle » n’est pas un gros mot, je ne soupçonnais pas que tout le reste puisse sortir de la bouche d’un enfant de 5 ans et la maman de M. a une explication : M. est de la fin de l’année. Là je ne vois pas le rapport mais mes enfants qui m’attendent à la maison et Mathilde qui a une vie quand même, Mathilde si tu lis ces lignes sache que tu es la meilleure baby-sitter du monde, bref j’abrègerai après avoir pu évoquer un peu l’agitation de M. en classe. M. est très agité. Vous voyez, bon, c’est pas dramatique, mais M. passe son temps à se retourner et à agiter ses jambes, ça fait du bruit, ça dérange sa voisine et ça dérange tout le monde. Je m’attends à ce que ce soit la faute du lit parapluie ou ma faute à moi à y être. Eurêka je n’y suis pour rien : ça tombe là, d’un coup sec, d’ailleurs je crois que je n’oublierai jamais ce rendez-vous avec la maman de M. ; si M. est très agité, ce n’est ni ma faute ni la sienne. C’est parce qu’il a des vers.

On se serre la main et on se promet de se tenir au courant. M. me dit au revoir Maître, je lui réponds au revoir M., ce n’est qu’un enfant finalement, un enfant qui n’a pas beaucoup d’aide. Ah oui mais un sacré client. Je me demande ce que Céline Alvarez ferait avec M.

Dans les yeux de M., je crois lire un début de réponse : Céline Alvarez, elle ferait ch…

Ca m’échappe.

Voilà, c’est ça qui m’attend demain. N’empêche, penser à tout ça en me remettant au travail me fait oublier la pluie. Et aussi que dans le rétroviseur, tout à l’heure, à côté de Chou Papier Toilette, il y avait les deux yeux sombres ou peut-être devenus tout rouges d’un joli petit garçon qui attendait que la limousine de son Papa disparaisse au coin de la rue. Oui car c’est sûr : ma limousine soudain sous-équipée a attendu d’avoir déboîté pour redevenir tacot.

Blog de Papa Lion – les paradoxes déconnent

Ca c'est un stylet stylé.
Ca c’est un stylet stylé.

Avant la réunion j’ai un moment d’intimité mais disons plutôt d’aparté pour qu’il n’y ait pas de malentendu car nul malentendu avec les parents de M., jamais de malentendu avec les parents de M, prenons nos gardes. Je les informe quand même : ce matin, mon stylet était en panne, impossible de faire fonctionner le tableau blanc interactif. Alors M. a analysé : ben ton stylo Maître il déconne alors je l’ai fait répéter et il déconnait encore le stylet alors j’ai appris à M. que déconner est un gros mot et qu’il valait mieux dire qu’il ne marchait pas ou mieux qu’il ne fonctionnait pas ou encore mieux qu’il dysfonctionnait. Et la maman de M. m’a rassuré : face à la stupéfaction tenace de M. le soir venu devant cette incohérence lexicale, le papa de M. a dit à M. que déconner était un gros mot à l’école et qu’il ne fallait l’employer qu’à la maison. Je ne déconne pas, c’est vrai, il le lui a vraiment dit. Je ne déconne pas.

J’ai un certain succès pendant la réunion avec mon tableau blanc interactif sur lequel je montre sans regarder ma montre à quoi ressemble une séance de lecture : le peuuu avec le aaaaa fait paaaaa et la plupart des élèves l’ont encapé sauf M. dont le père prend la parole, du coup ça sent un peu la bière et le tabac dans la salle de classe dans laquelle j’ai pris soin de ménager un courant d’air confère un précédent article.

« Et comment ben c’est pas à cause de votre tableau là ben comment que M., eh ben il arrive pas à déscotcher de sa tablette ? »

Je mords ma lèvre mais pas la poussière et ne lui réponds pas que c’est à cause de lui, la tablette, non, toujours professionnel je vante les mérites d’une pratique équilibrée des nouvelles technologies, j’utilise des mots simples sans illusion. Et puis je poursuis ma séance de lecture : avec le peuuu et le aaaaaaa on apprend à faire paaaaa et pa et pa ça fait papa, j’interprète des regards confiants, pas mal ce maître, et j’annonce fièrement que nous lisons les premiers mots : papa, papi, et fatalement pipe.

Le père et la mère de M. éclatent de rire. Pipe. Ils sont vraiment hilares, sourires gênés dans l’assistance. Bon. Problème de références, d’environnement social, intellectuel et là j’ai les fesses entre deux petites chaises de CP : on est l’institution et on aide car enfin ce n’est pas la faute de M. si ses parents boivent et fument à tel point que son cahier de liaison sent le tabac et la bière, il n’y est pour rien hein, et sans doute que ce n’est pas sa faute s’il insulte à tour de bras et qu’il parle sans cesse et que quand un stylo déconne ben M. le dit très fort dans la classe. « Maître il déconne ton stylo. ». C’est vrai moi j’ai été élevé sans gros mots parce que mes parents ont été élevés sans gros mots, dans les livres et la douceur, j’ai grandi avec des parents bien élevés et avec des livres et de l’attention et des rêves mais enfin y’a des moments où on craque et là j’ai envie de penser très très fort qu’ils pourraient faire un tout petit effort pour aider leur enfant. Mais non c’est mon boulot rien qu’à moi. Allez tous ensemble : ce n’est pas la faute des parents de M.

D’abord c’est un stylet, pas un stylo !

La réunion touche au but et donc à sa fin. J’oriente qui vers la responsable des activités périscolaires, qui vers l’orthophoniste, qui vers la sortie.

A peine plus tard je suis dans un bureau immense, trois salles de classe réunies, moquette blanche, bureau acajou, lampes design et bing je me mange une lampe design. Maître, elle déconne votre lampe. Enfin elle dysfonctionne. Enfin elle est trop basse quoi, on se fait mal ! Maman Lionne et moi signons une convention de divorce à l’aide d’un Bic bleu dysfonctionnant piqué à l’école. Je paraphe d’une main tremblante. Maître Truc, lui, montblante. Nous entérinons notre perte réciproque sans courir à notre perte et c’est là la magie du paradoxe et je me demande si un jour le paradoxe me foutra la paix.

Ben je suis triste et puis je m’égaye en pensant à vendredi. Je m’en fous de tout ça : je retrouve mes enfants vendredi.

Dans la rue je croise les parents de N. Attention à ne pas confondre M. et N. Tous ces parents-là picolent mais N. est roumain et ça c’est mon petit challenge parce que j’aimerais bien visiter Bucarest à l’œil. Ils ont rendez-vous devant le temple et c’est ça qui est magnifique dans une ville à tradition protestante peuplée de roumains à tradition templiste voire trappiste c’est qu’ils vont s’enquiller des bières devant le temple et qu’ils te le disent. Le père m’appelle Maître comme si j’étais son avocat à lampe trop basse et pourtant je ne suis que l’humble et incompétent Maître d’école de N., 1700 euros par mois, le nirvana pour les uns, Nirvana pour les autres. Alors je leur souhaite une bonne soirée, pourtant ils ne vont que boire des bières devant le temple et je ne suis pas sûr que N. saura ses voyelles demain. Je glisse quand même à son père que je prendrai N. en soutien et qu’il faudra signer un papelard, le père de N. signera tout ce que je voudrai. Je crois qu’il m’aime bien. Le temple me tend les bras mais non, je rentre chez moi et à demain, N.

Je m’en fous, je retrouve mes enfants vendredi.

Faire un métier sympa

Oh la belle école.
Oh la belle école.

J’ai dit que je ne voulais pas rentrer et on m’a ri au nez : deux mois de vacances et, jeudi, le marronnier auquel on n’échappe donc pas. Cette année je monte en première classe, celle où l’on apprend à lire, écrire et comptez pas sur moi pour oublier le fromage. Le CP c’est peu. J’espère que je ne vais pas leur marcher dessus.

Ben ils sont où les élèves ? Ah oui là devant moi. Je ne vous avais pas vus. Pourquoi vous avez tous le nez qui coule ?

Pendant ce temps, à l’autre bout de la ville, Bébé Lionceau et Grand Frère Lion, fourbus de vacances, fourbissent leurs armes avec leur maman. Ca doit coller de l’étiquette à tour de bras.  Si je n’ai pas les enfants à Noël, je me console en me disant que j’échappe aux étiquettes.

J’ai pensé ce matin qu’il fallait trouver un autre boulot, alors j’ai cherché. Y’a bien jardinier qui me plaît bien, jardinier c’est pas bien violent. La pression ? Oui alors peut-être la pression de l’échec, un peu comme au CP pour la lecture, on se demande si ça aura germé à temps. Bon. Je ne suis pas loin de penser qu’il ne se passe grand chose pour le jardinier s’il y a deux ou trois graines qui ne veulent pas « déclencher ». Ou fleuriste. Au moins ça a déjà poussé, le plus dur est fait, plus qu’à booker les bouquets. Il faut gérer les stocks ? Soit, ça ne doit pas être bien violent non plus ça, la gestion de stocks de fleurs, c’est pas comme un stock d’élèves de CP. Enfin je ne crois pas.

Ah oui mais le fleuriste n’est pas fonctionnaire et c’est quand même précieux la sécurité de l’emploi par les temps qui courent.

Quoi qu’il y a peut-être des fleuristes fonctionnaires ? Je me vois bien fleuriste fonctionnaire à l’Elysée, voilà, fleuriste de l’Elysée payé 10000 euros par mois.

Ou bien rien. Ne rien faire, tout en restant fonctionnaire. Tant qu’à rien faire, le faire à l’Elysée, tant qu’à faire. Voilà, j’aimerais être le mec qui ne fout rien de l’Elysée.

Bon. Il faut que je prépare mon casse-croûte pour demain midi.

(Bonne rentrée à tous les papas, les mamans, les enfants et les enseignants.)