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Vacances à Albi – Blog de Papa Lion

On n’a pas hyper marché car il ne fait pas beau. C’est notre alibi. Nous sommes au supermarché d’Albi, dans le rayon dont on veut connaître tout un rayon, celui de la culture. Quoique tout soit question de nuance quand on est à la fois chez Michel et chez Edouard. J’arrête mon char : y’a pas mal de Girac (c’est un nom du coin) et très peu des autres. Mais nous cherchons plutôt de la lecture. Au coin des bibliothèques multicolores, les stéréotypes ont la vie dure : l’émotion est toujours aussi bonbon, l’aventure plutôt mentholée. Quant à l’étalon, il est forcément noir. Le veinard. Bébé Lionceau se demande bien quoi se fader, du rose ou du vert. Je pense très fort mon frère ! Je suggère à mon grand bébé de l’aventure pleine d’émotion, ou bien de l’action plein d’humour. Elle choisit finalement un documentaire.

Emprunté au blog « Fille d’album »

 

 

 

 

 

 

 

Et mon grand, mon petit, mon fils prodige, prodigue, spirituel et biologique: toujours à parcourir les rangées avec son doigt ; lu, pas lu, pas voulu, lu, pas lu, pas voulu. Le retour des troisièmes vacances du petit Nicolas volume 4 ? T’es gentil mais j’entre en sixième. Harry Potter ? T’es gentil mais ça fait peur. (L’essentiel étant que je sois gentil.) Je le sens perdu entre Renart et les calamars géants (sa sœur salive discrètement à l’idée qu’ils puissent être à la romaine). Il nage entre deux zoos et repart avec un bon. Un très bon, un voyage au centre de la Terre, pourvu qu’il forme la jeunesse. Quant à moi à qui il reste tant à lire, je change de rayon et même de braquet pour me planter devant les coffrets Girac . C’est un best-of ou l’intégrale ? Ca me paraît en tout cas surdimensionné. Je vais me dire qu’il a une bonne tête de con, ce Girac, quand mon bébé rien qu’à moi le reconnaît. « C’est Kendji ! » Oui ben quel tête de con. Je lui bouge les épaules au bel espagnol. Derrière, il y a un coffret de Claude François. Je le bouscule, il ne se réveille pas, comme d’habitude. Encore derrière, c’est Bénabar. Y’a des journées comme ça. Le « best of ». Vivement le best-off.  Pas trop envie d’entendre rimer pizza avec chipolata, je le cache derrière Girac. Je prends un Gainsbourg et un Brassens. J’aime bien les petits nouveaux.

Nous marchons quand même dans Albi. Visitons la cathédrale. Plantons devant le Jugement Dernier. Devant les sept péchés capitaux, audioguide à la main, main à l’oreille, je sens que Grand Frère Lion réfléchit. La gloutonnerie, c’est pas bien. Sa sœur appuie sur Pause, enfin sur Play, c’est le même bouton, ça la fait marrer de pouvoir téléphoner dans l’église. Elle me demande ce que c’est, la luxure. Je cherche le contrôle parental sur l’appareil.

Au Musée Toulouse-Lautrec, les enfants me mettent à l’affiche : ils sont hilares. Il n’y a pourtant rien de drôle bordel !

Nous rentrons au camping car il se fait Tarn. Dans la voiture, ma fille commence et termine son documentaire. Faudra y retourner. Mon fils choisit le CD de Gainsbourg, qui va et qui vient entre des reins et qui manifestement s’y sent bien. Il me demande pour chaque chanson ce qu’elle signifie, exactement. (Je regrette un quart de seconde l’immédiateté de Bénabar). Nous roulons, le ciel est lourd, la route est très belle.

Et puis Bébé Lionceau demande à son frère : « elle y est sur le CD Quand la musique est bonne ? », ; je me marre tant que j’en loupe l’entrée du camping.

C’est facile finalement de faire du pédalo sur la vague en rêvant.

Le plus grand des petits – Blog de Papa Lion

Ca y est il nous la fait sa poussée de croissance. Il s’est resservi de pâtes l’autre jour, il ne s’était jamais resservi, sauf au goûter mais ça ne compte pas. Dix ans de bolognaise et enfin ça paie. Du coup je l’ai vu grandir d’un coup là, pschiit, oh le grand garçon. Plus tard, alangui allongé à croquer au niveau de ses Lego, toujours petit comme un Lego mais il m’avait l’air d’être une grande saucisse pré-adolescente, et vroum et vroum le policier Lego qui arrête les voleurs, comme quand il avait six ans sauf que les voleurs sont plus récalcitrants, dans son caleçon six ans, son pull huit ans, ses chaussettes Cars et son moi intérieur à lui qui, vu de l’extérieur, pousse bien un peu quand même. Faut pas pousser, faut qu’il pousse un peu !

 

Il est bien dans son format petit garçon, le plus petit de la classe mais la grande classe. Il se fait respecter parce qu’il a de bonnes notes, même si mon baby est nul au baby et qu’on ne lui fait pas trop la passe au hand. On le met dans les cages. Comme un animal sauvage mec ! Il a bien aimé cette blague. J’ai aimé qu’il l’aime.

 

Je l’ai toujours rassuré à propos de sa taille. Je lui ai dit que moi aussi j’étais petit quand j’étais petit. Ca l’a fait rire. Je lui ai dit que les petits, c’est les derniers qui sont mouillés quand il pleut. Ca l’a fait rire. Je lui ai dit que Lionel Messi aussi, il est tout petit. Il m’a demandé qui c’était. Il m’a demandé si Jules Verne aussi, il était petit. J’en sais rien moi. Même sur Wikipedia ils n’en savent rien.

 

Moi je suis grand. On est grand dans la famille. Je voulais le rassurer mais ça lui a mis la pression. Ca me fait penser depuis dix ans que je ne l’ai plus réécoutée à cette chanson d’un petit groupe français qu’on aimait bien : « ils m’font marrer bébé à dire que t’as grandi et qu’est-ce que t’as changé alors que t’es toujours tout petit ». Dans la cour, les copines de sa sœur aiment jouer avec lui. Elles jouent avec un grand, et en plus il est petit. L’aubaine. Il pourrait les envoyer bouler, mais il aime bien jouer avec elles aussi. Il aime bien être petit.

 

N’empêche, il s’est resservi de bolognaise. Faut dire que c’est bon la sauce bolognaise. Et puis ça fait manger des légumes. Un peu. Il mange aussi des poireaux, de la courge, des carottes, des courgettes pas de saison et des haricots toute saison. Merde, il fait tout ce qu’il faut, alors ça va venir, il va pousser, là, d’un coup.

 

J’aime bien les petits, ceux de ma classe je les protège, ceux qui sont tout minus, pas les bébés hein, les juste petits, je fais en sorte qu’il ne leur arrive rien. Ils me le rappellent. L’autre jour, on les a pris pour des jumeaux. Ils ont trois ans et demi d’écart. Faut dire qu’elle est grande, pour ne rien arranger, sa petite sœur. C’est mal fichu la vie. Faudrait pas qu’elle le dépasse, enfin on verra.

 

Il est tanqué en plus ! Mais petit. J’étais maigre et grand. Les chiens font des chats. Mon chat est espiègle et câlin, les chats sont des chats. C’est un chaton.

 

Je ne vais pas tirer dessus pour l’allonger, c’est comme ça. Je n’aurais pas aimé avoir une tige, ça fait con sur les photos de classe. Et puis je l’explose quand on fait la bagarre mais c’est pas souvent parce qu’il déteste les bagarres. Ca ne dure jamais longtemps et après il faut gérer sa sœur et là je n’ai pas toujours le dessus. « C’est nous qui font ce qu’on nous veut » jure-t-elle en l’air et en lançant l’assaut, genoux par devant, ma tête par dessous. Je la soupçonne de le défendre dans le cour. Au collège ça va donner. Il faudra briller aussi par les épaules mon gars. Le petit pianiste parmi les Soprano. T’as beaucoup lu mais t’as pas beaucoup poussé. Il va falloir te resservir un peu, l’été prochain. On s’apprête à manger pas mal de bolognaise.

Yourte, méchoui et Montessori – Blog de Papa Lion

On a tenté la yourte et on a appelé ça le yaourt. Ce n’était pas vraiment une yourte, du reste, selon des sources certaines qui ont dû parcourir la Mongolie dans une vie antérieure. C’était en Ardèche parce qu’on imagine mal une yourte en plein centre ville de chez moi et que chez moi c’est l’étuve et qu’il a bien fallu partir pour voir si, à défaut d’être plus verte, l’herbe est plus fraîche ailleurs. Elle l’était et du coup elle était plus verte. On s’est régalés, dans le yaourt et tout autour, en Ardèche. On a été accueillis par un grand type assez musclé mais bien coiffé, le genre qui a fui la vie citadine, vous voyez ? Il avait un sans-manche déchiré et ça n’a pas échappé à Grand Frère Lion qui portait en débarquant en Ardèche un joli t-shirt offert par ses grands-parents maternels, mais malgré le respect que j’ai pour les beaux t-shirts offerts par les grands-parents maternels, je lui ai enjoint de remiser le beau t-shirt pour son vieux marcel paternel. Qu’on n’ait pas l’air de trois cons. Y’avait aussi Carmen, c’est étonnant comme prénom, Carmen, en Ardèche, et ça sentait de plus en plus le citadin qui a tout plaqué pour l’Ardèche, Carmen, six ans, a pris le relais de son père et nous a fait découvrir le lieu. Un grand lieu avec pas mal d’animaux plus ou moins hospitaliers et plus ou moins bien enceints. Y’en avait une qui était bien enceinte pourtant, c’était la brebis, et y’avait aussi un agneau tout doux et tout juste et droit sorti du ventre de sa mère et qui attendait aux portes de la bergerie – les moutons semblent conjurer l’ennui, en Ardèche. Carmen avait prévu le biberon, elle l’a chauffé dans ses mains et a chauffé Grand Frère Lion : mets-y lui le biberon dans la bouche, toi qui viens de la ville. Mon fiston n’a pas eu tellement le temps d’hésiter, l’agneau tétait déjà, et quand il a fini de téter son lait il a tété un peu la main de Grand Frère Lion, qui a crié, alors on est partis. « Et la paille ? » a demandé Carmen. Quoi, il boit à la paille ? Ah, non : la paille, enfin le foin, Carmen était mignonne comme tout mais ça attendrait le lendemain: on devait investir la yourte dans laquelle son père avait investi. J’ai bien senti dans le regard de Grand Frère Lion qu’on pourrait éventuellement se recroiser en terrain moins hostile le lendemain, genre piscine ou toboggan.

« Et au fait, tu lui as donné un nom à ton agneau ?

– Méchoui.

– Ah. »

Pour une yourte, et Dieu sait que j’en ai vues (aucune, c’était ma première fois), cette yourte était confortable : lits, draps, ventilateur, électricité. Pour l’inconfort on repassera mais qui part en vacances pour de l’inconfort ? Non, le clou du spectacle, le nirvana bien grunge, le Graal sans odeur ou presque, c’étaient les toilettes sèches. Impossible à prononcer pour ma fille : les toilettes chèches. Je crois que Grand Frère Lion les a redoutées autant qu’il a redouté la boum pendant sa classe découverte. On a fait le tour du propriétaire locataire, je leur ai montré la chasse d’eau – sèche – et Bébé Lionceau a baptisé les lieux. Elle les a baptisés le pot de yourte. Mignon, non ? Son frère, lui, a décrété qu’à y être, là, dans le bad trip dad trip nature et découvertes, autant faire à la fraîche. Ce qu’il a fait pendant trois jours. Il se l’est joué bouquetin le petit ! Mignon, non ? Non.

C’était cuisine collective, à ne pas confondre avec la cuisine centrale, ça n’a RIEN à voir. Chacun fait son frichti, bio de préférence pour ne pas avoir d’emmerdes avec les proprios, on s’assoit autour d’une grande table et on se demande d’où on vient. Enfin, on le demande aux autres, même si l’on ne sait pas soi-même d’où on vient. Le premier soir c’était tendu, on s’est retrouvés avec un couple de médecins qui a tout plaqué pour ouvrir une école. « Ouvrir une école ? » ai-je fait répéter parce que ça me paraît fou d’ouvrir des écoles, surtout au mois de juillet, et l’ex-doc m’a expliqué qu’il ne s’agissait pas de n’importe quelle école. Non Monsieur : ce serait une école Montessori. Ah d’accord, donc, qu’on se comprenne bien, à défaut de s’entendre : tu as fait neuf années d’études pour ouvrir une école Montessori, c’est bien ça ? C’était bien ça.

Bon, je vous dresse le tableau pas du tout interactif : deux gosses très mal élevés vifs et sales nature, un papa malingre monté sur un t-shirt Banana Republic XXL décroissant, une maman névrosée enthousiaste. Alors, pour bien comprendre comment on peut plaquer des briques pour en faire des caisses, j’ai posé une question simple, après avoir longuement cherché les mots adéquats et le moyen de ne pas rire : « Pour quoi faire ? ». C’était limpide : ils prévoyaient de monter une école Montessori pour que les élèves parlent plusieurs langues. Je répète : ils veulent monter une école Montessori pour que des enfants parlent plusieurs langues. I say it again : they plan to create a Montessori school so that the pupils speak several languages.

Je me suis cru un instant dans un dîner de cons. Je dînais juste avec des cons. Preuve à la pluie (foutu climat ardéchois) : « Machine, tu as vu un tracteur tout à l’heure, mais tu n’as pas appelé ça un tracteur. Tu as dit quoi quand tu as vu le tracteur ?

– Un tracteur.

– Non non, ma chérie épanouie, tu as appelé ça autrement, tu as dit un autre mot. Tu as dit quoi quand tu as vu le tracteur ?

– Ben, un tracteur.

– Non, tu l’as dit en anglais. Comment on dit tracteur en anglais, petit ange dégourdi ?

– Ben, un tracteur. »

Nous aurions dû souper avec Méchoui.

Mais le séjour s’est bien déroulé parce qu’ils sont partis rencontrer la vierge Maria à Tatahoune. Ils ont cédé leur yourte à trois nanas raggamuffin flanquées d’une péquelette à tresses et là, on s’est enfin marrés. On a péché des carpettes à la rivière, on a fait du feu et on a joué au Scrabble. Grand Frère Lion s’est illustré pendant que sa sœur illustrait. Pas de wons ni de wus ni de coups de Trafalgar (nom propre, dommage) : le petit instruit cherchait le mot le plus long ; il ferait un malheur aux Chiffres et aux Lettres, à Les Chiffres et à les lettres, je ne sais pas comment il faut dire. La Chance aux chansons, tout ça. Bref, il est moderne, mon petit. On a téléchargé le Scrabble sur mon smartphone et on en a acheté un de voyage avec des lettres microscopiques. On va se poiler dans les Alpes !

Et puis on est rentrés parce que l’Ardèche, c’est cool, mais je n’y élèverais pas des agneaux, même pour le plaisir de porter des sans-manche déchirés. On est rentrés et les enfants m’ont reparlé de Méchoui. Mes deux agneaux m’ont demandé si on pourrait retourner le voir, l’an prochain. Je me suis demandé si c’était du lait de riz, dans le biberon. A Nîmes, on s’est fait du mouron. En Ardèche, ils se font du mouton.

10 jours à l’ouest – Blog de Papa Lion

On est partis en Bretagne et même si c’est plus tout à fait la Bretagne c’est quand même mon far west, at last, c’est à l’ouest et c’est très far de chez nous, far breton cela va de soi, poke Mamie Lion, Tonton Lion et tous les amateurs de flan aux pruneaux. C’est si loin qu’on est partis en avion et rentrés en train, les grèves c’est bien mais seulement sur le temps scolaire. « Dommage que Tonton soit pas  » ont dit les enfants, eh oui, l’amuse-cadet a raté le muscadet. On a crevette de froid puis de chaud, la Bretagne est une terre de contrastes. On s’est mis au bulot le cœur léger et à la palourde le beurre salé, palourde à propos de laquelle Grand Frère Lion s’est autorisé quelques bonnes blagues pas lourdes du tout. On s’est régalette complète et c’était bon.

Quoique c’était l’année des méduses et ça a quelque peu compromis les baignades du rejethon. Je ne sais pas quel sac plastique a glissé entre ses jambes de surfer à J+4, mais passé J+4, il n’a plus fallu lui parler de baignade. La faute aux méduses. Il en voyait partout, des méduses : dans l’eau, sur le sable, dans sa serviette, je lui ai dit qu’il y en avait sous son oreiller et il a jeté un œil. Il nous a demandé si ça nageait à la verticale ou à l’horizontale, les méduses. A J+9 qui était J-1 avant le départ, il a pris le taureau par les cornes et la planche sous le bras et est allé se baigner, surtout pour faire plaisir à Papi Lion qui commençait à se demander qui lui avait refourgué un petit fils pareil et vu que c’est à moitié moi j’étais bien content qu’il y aille, à la baille, vaille que vaille.

Façon Hossegor mais désireux de garder le cap breton, le surfait a décrété l’absence de vagues. Pas de vagues, pas de planche. Sans planche, il repasserait, mais plutôt l’an prochain. La fière sœur du surfer ne boudait pas son plaisir : elle s’est bien amédusée dans les vagues, Ponyo la méduse, hilare et la manière avec. Une vraie Bretonne de Nîmes en Loire-Atlantique. La Bretagne était toute bleue, c’était beau.

On fait des canaux quand ça caille, hac ! On fait des châteaux de sable émouvants, qu’on maquille à la truelle et on se marre à la pelle. Les grands-parents sont des maîtres nageurs, ma poule à la chair qui lui sied le mieux, mon poulet est d’un blond bronzé qui me fait chavirer. Beau, gosse, un muscadin avec un grain, de sable dans la croc, c’est la Bretagne, c’est tous les ans depuis dix ans. Je crois que c’est la vie !

(Il y a quelques années il était déjà question de Croc’s et de sable qui gratte. J’ai cherché ce qui y était écrit mais c’est perdu. Une histoire de grain de sable dans le Croc’s. Peu importe, rien n’a changé.)

 

Blog de Papa Lion – les paradoxes déconnent

Ca c'est un stylet stylé.
Ca c’est un stylet stylé.

Avant la réunion j’ai un moment d’intimité mais disons plutôt d’aparté pour qu’il n’y ait pas de malentendu car nul malentendu avec les parents de M., jamais de malentendu avec les parents de M, prenons nos gardes. Je les informe quand même : ce matin, mon stylet était en panne, impossible de faire fonctionner le tableau blanc interactif. Alors M. a analysé : ben ton stylo Maître il déconne alors je l’ai fait répéter et il déconnait encore le stylet alors j’ai appris à M. que déconner est un gros mot et qu’il valait mieux dire qu’il ne marchait pas ou mieux qu’il ne fonctionnait pas ou encore mieux qu’il dysfonctionnait. Et la maman de M. m’a rassuré : face à la stupéfaction tenace de M. le soir venu devant cette incohérence lexicale, le papa de M. a dit à M. que déconner était un gros mot à l’école et qu’il ne fallait l’employer qu’à la maison. Je ne déconne pas, c’est vrai, il le lui a vraiment dit. Je ne déconne pas.

J’ai un certain succès pendant la réunion avec mon tableau blanc interactif sur lequel je montre sans regarder ma montre à quoi ressemble une séance de lecture : le peuuu avec le aaaaa fait paaaaa et la plupart des élèves l’ont encapé sauf M. dont le père prend la parole, du coup ça sent un peu la bière et le tabac dans la salle de classe dans laquelle j’ai pris soin de ménager un courant d’air confère un précédent article.

« Et comment ben c’est pas à cause de votre tableau là ben comment que M., eh ben il arrive pas à déscotcher de sa tablette ? »

Je mords ma lèvre mais pas la poussière et ne lui réponds pas que c’est à cause de lui, la tablette, non, toujours professionnel je vante les mérites d’une pratique équilibrée des nouvelles technologies, j’utilise des mots simples sans illusion. Et puis je poursuis ma séance de lecture : avec le peuuu et le aaaaaaa on apprend à faire paaaaa et pa et pa ça fait papa, j’interprète des regards confiants, pas mal ce maître, et j’annonce fièrement que nous lisons les premiers mots : papa, papi, et fatalement pipe.

Le père et la mère de M. éclatent de rire. Pipe. Ils sont vraiment hilares, sourires gênés dans l’assistance. Bon. Problème de références, d’environnement social, intellectuel et là j’ai les fesses entre deux petites chaises de CP : on est l’institution et on aide car enfin ce n’est pas la faute de M. si ses parents boivent et fument à tel point que son cahier de liaison sent le tabac et la bière, il n’y est pour rien hein, et sans doute que ce n’est pas sa faute s’il insulte à tour de bras et qu’il parle sans cesse et que quand un stylo déconne ben M. le dit très fort dans la classe. « Maître il déconne ton stylo. ». C’est vrai moi j’ai été élevé sans gros mots parce que mes parents ont été élevés sans gros mots, dans les livres et la douceur, j’ai grandi avec des parents bien élevés et avec des livres et de l’attention et des rêves mais enfin y’a des moments où on craque et là j’ai envie de penser très très fort qu’ils pourraient faire un tout petit effort pour aider leur enfant. Mais non c’est mon boulot rien qu’à moi. Allez tous ensemble : ce n’est pas la faute des parents de M.

D’abord c’est un stylet, pas un stylo !

La réunion touche au but et donc à sa fin. J’oriente qui vers la responsable des activités périscolaires, qui vers l’orthophoniste, qui vers la sortie.

A peine plus tard je suis dans un bureau immense, trois salles de classe réunies, moquette blanche, bureau acajou, lampes design et bing je me mange une lampe design. Maître, elle déconne votre lampe. Enfin elle dysfonctionne. Enfin elle est trop basse quoi, on se fait mal ! Maman Lionne et moi signons une convention de divorce à l’aide d’un Bic bleu dysfonctionnant piqué à l’école. Je paraphe d’une main tremblante. Maître Truc, lui, montblante. Nous entérinons notre perte réciproque sans courir à notre perte et c’est là la magie du paradoxe et je me demande si un jour le paradoxe me foutra la paix.

Ben je suis triste et puis je m’égaye en pensant à vendredi. Je m’en fous de tout ça : je retrouve mes enfants vendredi.

Dans la rue je croise les parents de N. Attention à ne pas confondre M. et N. Tous ces parents-là picolent mais N. est roumain et ça c’est mon petit challenge parce que j’aimerais bien visiter Bucarest à l’œil. Ils ont rendez-vous devant le temple et c’est ça qui est magnifique dans une ville à tradition protestante peuplée de roumains à tradition templiste voire trappiste c’est qu’ils vont s’enquiller des bières devant le temple et qu’ils te le disent. Le père m’appelle Maître comme si j’étais son avocat à lampe trop basse et pourtant je ne suis que l’humble et incompétent Maître d’école de N., 1700 euros par mois, le nirvana pour les uns, Nirvana pour les autres. Alors je leur souhaite une bonne soirée, pourtant ils ne vont que boire des bières devant le temple et je ne suis pas sûr que N. saura ses voyelles demain. Je glisse quand même à son père que je prendrai N. en soutien et qu’il faudra signer un papelard, le père de N. signera tout ce que je voudrai. Je crois qu’il m’aime bien. Le temple me tend les bras mais non, je rentre chez moi et à demain, N.

Je m’en fous, je retrouve mes enfants vendredi.

Le 15 août – Blog de Papa Lion

cartable de rentrée

Nous devions mettre le cap sur la Grande Bleue et nous l’avons mis sur la rentrée comme joyeusement recommandé sur le dépliant que je n’ai même pas déplié et qui obstruait ma boîte aux lettres hier soir et mon esprit toute la nuit. Alors au carrefour on s’est arrêté au supermarché qui dégomme et détrousse, parmi lesquelles Bébé Lionceau a trouvé son bonheur, cylindrique et multicolore, tandis que Grand Frère Lion apprenait avec délectation qu’un critérium n’est pas qu’une course cycliste et absconse à Puy-les-3-Cabécou. Sont-ce des futurs élèves là qui chouinent pour une ardoise Lapins Crétins ? Alea jacaddie : on sort avant de se faire jeter, Jacques a dit fuis mon caddie ou je te casse les jambes avant que tu me casses les pieds. Grand Frère Lion repère la marque repère, je l’aime. Bébé Lionceau dégote un cartable décoté, je l’aime.

 

A Puy l’Evêque une psychologue m’a dit qu’après le 15 août c’était plus vraiment comme avant le 15 août, j’ai ri jaune mais elle avait raison, après le 15 août c’est plus comme avant le 15 août, ce ne sont plus des orages à mer. J’ai perdu mon Ju.

 

Mon fils entre au CM1 et dit des choses comme « on est chaud patate », « c’est la loose », « je suis en mode lecture ». Ma fille réclame du démêlant et mange le blanc de la salade. La famille ça grandit. Rien ne va plus et pourtant tout va bien. Il fait nuit trop vite, les enfants ont une peau magnifique, je les mange un peu. Il est interdit de sauter sur le lit de Papa, enfin quand Papa n’est pas là. On écoute du bon son et tant pis si le bon son de Bébé Lionceau fait mal dans l’oreille, on se couche encore un peu tard, on se lève toujours aussi tôt. On profite. On va se quitter dans 3 jours.

 

Il faut renouveler le stationnement résidentiel, reprendre le sport, acheter des cartes de bus, reprendre le sport, coller des étiquettes sur les classeurs, reprendre le sport, ranger le placard à culottes, reprendre le sport, venir à bout du calcaire sur les parois de la cabine de douche. Reprendre le sport.

 

Pendant les vacances on a vu la Bretagne on a eu froid puis chaud puis froid et c’était bon, les grands-parents ont essayé de faire manger du poisson papané, on a fait du manège en pull et on s’est grand-marré, j’ai vu le pays Basque c’était désert de Bretagne sans les gens du coup, avec plein d’Espagnols qui parlaient très fort à leurs pintxos, j’ai vu Tarbes, et mourir, ben plutôt mourir, j’ai appris à orthographier Guggenheim et constaté que ça pousse vite les bulbes à eau, on a fait des vannes bien loin du Morbihan, morts béants à Tarbes, alors autant tailler la zone, j’ai vu les Pyrénées et le meilleur aîné perdu dans les Cévennes, on a vu Puy-les-trois-Cabécou, son camping sa Gabare sa bistrotière corse, on m’a dit pendant deux fois quinze jours qu’on allait s’endormir vite et ça s’est pas toujours passé comme prévu.

 

Demain matin, je crois bien qu’on va mettre le cap sur la Grande Bleue.

 

Ne pas refuser les valeurs refuges – Blog de Papa Lion

"You are everything that surrounds me in this place"
« You are everything that surrounds me in this place »

Le regard d’une petite princesse de 4 ans et demi sur les attentats a de quoi mettre des rivières dans les yeux comme disait la chanson mais la petite Ange (pas de féminin à ange ?) ne sait rien de ce qui ébranle la vie des très grands, vu qu’elle est toute petite et que ses parents et sa maîtresse et même Antoine Gaspard l’ont préservée du Malin. Elle va bien dans un monde qui va mal quand elle allait mal dans un monde qui essayait d’aller à peu près bien et merde, ça fait du bien et ça aide à dormir de savoir que son petit soi dort enfin. Mais pourquoi lui raconter le reste ? Mon angelotte pour qui on peut bien inventer des mots n’a qu’une idée en tête : lire et rire et inspirer des contrepèteries de moyenne section à son père. L’Amour a la moue mais on la déride aux chatouilles et ça rend presque heureux !

 

Sus à la mort l’enfant ne suce plus son pouce !

 

L’Adorable appuie comme une petite reine sur sa petite reine à 16 pouces et je suce sa roue en guettant la chute. L’enfant de trois pommes est celui d’une poire et d’une jolie fraise, c’est bien par ailleurs celui de son père : elle chute avec des stabilisateurs. Il faut le faire, il faut le frère aussi et c’est d’ailleurs lui qui relève sa relève et nous comprenons que j’ai monté des petites roues de 14 sur un vélo de 16. Mon petit pouce me dit que je me suis trompé de pouces. Fallait le faire mais il aurait mieux valu ne pas le faire, mon bébé ne veut plus avancer. Je ne cesse pas de pousser son 16 pouces. Le joli copain Julien suggère de la monter sur roulettes. Des rollers pour le bébé râleur ? Des jeux de nouilles hier, des genouillères demain, le soleil en baroud d’honneur de leçons me laisse l’hiver pour y réfléchir. L’heure du scooter arrivera vite. Qu’elle ait acquis l’équilibre d’ici là ! L’équilibre est à qui veut la voir.

 

Nous prenons la pose quand la pause s’impose. Tic, tac, les midis d’automne dans le Midi entonnent la chanson du temps qui fait raccourcir les journées. Quel con ce temps ! Le temps de partager des tics et des tac à la menthe, une mante religieuse me casse les pieds à me monter sur le dos. Un tout petit enfant me demande pourquoi on appelle ça une mante religieuse et je n’ai pas de réponse et plus ça va, moins j’ai de réponses, et plus il y a de questions. Je souris. Je Nell y les moyens ni l’envie de répondre, Léna fusent. On se moque, on se smacke. L’amitié et l’enfance sont décidément les dernières valeurs refuges.

 

(C’est quand même pas rien que le meilleur groupe du monde s’appelle Archive).