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17 heures – Blog de Papa Lion

Il faut bien se rendre compte qu’il s’agit d’un petit garçon timide, pas le genre à bravacher, jamais un mot au dessus d’un autre ou alors c’est un bon mot, très au-dessus du coup (et de la ceinture), l’esprit, le calambour, ah ça oui, mais en général mon génial ne fait pas le malin. Le futé.

C’est pourtant lui qui, de retour de l’école, après m’avoir confié que les copains ont joué au foot avec sa boîte à goûters mais qu’il a fait comme je le lui ai conseillé, il ne s’est pas laissé faire, il a mis sa boîte à goûters à l’abri dans le cartable de sa petite sœur, c’est dire s’il ne faut pas le chercher, je pense que les copains ont bien compris le message, ils ne recommenceront plus, ils ont un peu joué avec son bonnet aussi mais ça c’est pas grave puisqu’il a fini par le récupérer, la preuve qu’il se défend, bien qu’il se défende de se défendre, c’est bien lui mon fils qui, alors que nous rentrions au chaud et que sur notre passage un type a ouvert ses volets – il était 17 heures – c’est mon bonhomme à moi qui a lâché dans la rue, très fort, je crois que tout le monde a entendu, les chiens errants, les chiants terriens, la plèbe du quartier Préfecture, à bon entendeur mais il suffisait d’être là : « et c’est à cette heure-ci qu’il ouvre ses volets, lui ? ».

Mes bras m’en sont tombés et les cartables avec vu que c’est moi qui porte tout le barda. Mon bichon futé qu’on a élevés avec deux trois valeurs qui nous ont tenu à cœur et lui à carreau pendant 9 ans, voilà qu’il balance le gars qui ouvre ses volets à cinq heures du soir.

« Et c’est à cette heure-ci qu’il ouvre ses volets, lui ? ».

Voilà qu’il se lâche ! Faudrait qu’je l’lâche !

Je ne le lâche pas mon petit pimousse. Parce qu’il est tout petit et pas du tout costaud et qu’il m’a juré qu’il resterait toute la vie chez moi même quand je serai mort et qu’après il a pleuré à cette idée.

Ben oui mais je n’ai pas pu m’en empêcher, j’ai ri, on s’est marrés, on s’est énormément poilés. On a rarement autant ri, pourtant qu’est-ce qu’on se poile et c’est bon ! Parce que le type en question a pointé son museau pour prendre la mesure de l’affront, un affront d’un mètre trente avec le bonnet, le museau qu’il a pointé c’était le museau du type qui se lève à 17 heures et qui trouve que les gamins d’aujourd’hui sont vraiment mal élevés.

Ils sont peut-être mal élevés mais c’est à 17 heures qu’ils s’élèvent.

Compteur pas sur moi – Blog de Papa Lion

Ils sont pénibles chez EDF à tenir absolument à m’équiper d’un compteur Linky, je n’en veux pas de leur compteur, je n’en ai pas besoin. Ils m’écrivent et me laissent des messages téléphoniques. Ils me disent sur mon répondeur que je consulte une fois par mois – ils sont cons à m’appeler sur la ligne fixe – que j’ai besoin d’un Linky mais je crois que je n’en ai pas besoin. Ca devrait s’arrêter là mais ils sont sûrs, vraiment sûrs que j’en ai besoin. Je ne pourrais pas bien expliquer comment je sais que je n’en ai pas besoin mais je le sais.

Un type m’a expliqué pourquoi je ne voulais pas du compteur Linky. Il y avait un petit canard en papier recyclé à la caisse, avec une une anti quatre-quatre, ça c’est juste pour le bon mot, et à l’intérieur du canard on parlait du Linky ; comme il y avait la queue à la caisse et que ça pétassait un peu j’ai potassé un peu, et puis à la caisse, quand ça a enfin été à moi, le type qui avait dû constaté mon intérêt pour la résistance anti-Linky m’a confirmé péremptoirement que ce n’était pas bon pour ma santé, que c’était juste bon pour mieux m’arnaquer, et que de toute façon, c’étaient tous des … chez EDF. Il était bizarre ce type, dégarni sur le dessus mais avec une queue de rat derrière la nuque, un grand pull de randonneur baraqué mais sur un caissier malingre ça n’inspirait pas confiance. Il m’a parlé des ondes qui allaient traverser mon petit corps, je l’ai senti traversé par des ondes pas trop positives, sûr qu’il savait de quoi il parlait, il m’a fait de la peine, je lui ai dit que d’accord, moi aussi j’entrais dans le combat anti-Linky. J’ai bien senti qu’il ne fallait pas qu’on m’installe un Linky. J’ai bien senti l’addition aussi, ça coûte cher les légumes bio à Gap. Ou c’est le prix du conseil.

En tout cas ils s’acharnent, ça doit leur coûter une fortune parce que ce n’est pas EDF qui m’appelle, c’est un partenaire, ça doit être couteux tous ces partenaires qui laissent des messages. Et si c’est coûteux c’est un investissement, et si c’est un investissement ça doit être rentable, et si c’est rentable ben c’est sans doute pas dans le but de diminuer mes factures. Pas besoin de queue de rat derrière la nuque.

Ils ont envoyé un petit papillon au petit Papa Lion et ce papillon  disait tout l’inverse du canard, comme quoi la faune ou ce qu’il en reste devrait se mettre d’accord : notamment que Linky saura dire quand je consommerai de l’énergie et quand je n’en consommerai pas. Ainsi l’offre d’énergie sera adaptée à mon mode de consommation.

C’est sympa ça EDF. Ca m’aide beaucoup, mais écoute bien EDF : j’éclaire la nuit, pas le jour. Je chauffe l’hiver, pas l’été. Je crois que je n’ai pas besoin de Linky.

En tout cas si Linky était intelligent il aurait communiqué mon numéro de portable à EDF parce que le fixe, ben il est si fixe que je ne le décroche JAMAIS. Et c’est bien pour ça que je ne veux pas de Linky, pour ne pas qu’il dise des trucs à EDF.

Ah non il faut dire ERDF. Le service public a muté publicitaire.

D’ailleurs c’est quoi cette fantaisie là, le R dans ERDF ? Réseau ? T’as raison le réseau ! Je t’ai reconnu EDF, je sais que c’est toi ! C’est Papa R Lion qui te parle ! J’ai déjà un compteur EDF, qui compte bien, au centime près.

Bref ils m’emmerdent un peu et je le leur rends bien.

Mais aujourd’hui j’ai relevé un nouveau message sur mon téléphone fixe. Ca y est, le partenaire ne me demande plus si je veux être équipé d’un Linky, il m’informe que j’en serai équipé. Le 3 janvier prochain. Je m’en fous le 3 janvier je bosse ! Ben oui fallait demander à Linky ! Je travaille le 3 janvier, mais ça il aurait fallu que Linky soit déjà installé pour qu’EDF soit au courant.

S’il y a un petit boîtier jaune fluo dernier cri dans le couloir quand je rentre du boulot le 3 janvier prochain, je l’éclate à grands coups de cahier journal.

Ah tiens je n’ai pas encore parlé de mes enfants. Ils en pensent quoi eux de Linky ? Je leur ai demandé du coup. Ils sont contre, eux aussi. Ils savent pourquoi. C’est parce que je suis contre. On est trois.

Noël – Blog de Papa Lion

Un bon copain m’a avoué regarder des films de Sautet les années où il fête passe Noël tout seul et j’ai cru comprendre qu’il avait eu le loisir de se cogner la filmographie entière du jovial réalisateur ces dernières années. Je l’embrasse. Il m’a précisé : ça passe ou ça casse. J’espère que ça lui passera.

Bien qu’en hiver, je n’ai pas eu le cœur de tenter l’aventure. Peur de Sautet pour mieux reculer quand il faut aller de l’avant alors j’ai choisi de ranger la chambre des enfants, l’heure étant venue d’escamper les boîtes de Légo. Ca m’a occupé mon 25 et un peu de mon 26, la chambre est propre. Ca durera deux jours. Faut quand même être tordu pour offrir tous ces jouets. L’an prochain je leur offre une tablette, du fric, et qu’ils téléchargent les Angry Birds, ça facilitera le ménage.

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« allez hop, à la baille ! « 

Noël tout seul ça passe comme une lettre à la Poste. Soit une éternité. Je m’en fous j’ai rangé l’apparte, et puis nous avons fêté Noël avec un peu d’avance, à Pantruche, en famille, c’était bien. On a bûché avant tous les autres. Et comme Bébé Lionceau n’aime pas les bûches, elle bouffe rien ma gamine, mon frère que j’aime s’est régalé deux fois. C’était bien.

A Paris j’ai emmené Grand Frère Lion voir le tombeau de Napoléon. C’est pas très beau et Grand Frère Lion m’a demandé si Napoléon était vraiment à l’intérieur de la grosse praline. Je lui ai dit un peu mon neveu, il a trouvé ma réponse très con. On a regardé la praline du maréchal Lyautey, plus petite mais pas franchement modeste non plus, je lui ai dit que je pourrai jamais me payer un tombeau pareil, ça aussi il a trouvé ça très con, pourtant c’était drôle, alors pour égayer l’après-midi on est allé voir les salles du musée de l’Armée consacrées à la deuxième guerre mondiale.

Il m’a demandé à quoi ça servait, les Invalides. Je lui ai expliqué les invalides de guerre, c’était de plus en plus gai, il m’a demandé si Napoléon était un invalide de guerre. On tournait en rond alors je lui ai proposé de marcher un peu tout droit.

On a remonté en se tenant la main le boulevard des Invalides. Un Père Noël est passé dans une vieille Fiat 500, c’était quand même plus marrant que le Débarquement. Je crois que c’était le meilleur moment des vacances.  Peut-être le meilleur moment de ma vie. Je savoure les balades que je fais en tenant la main de mon fils car il faudra bien qu’il me lâche la grappe un jour. Il a beau dire le contraire, il repoussera ma main bientôt. Il dit qu’il habitera toujours chez moi et chez sa maman et qu’il faudra toujours lui tenir la main dans la rue, mais enfin. Je ne crois plus au Père Noël.

A Paris les enfants ont vu Montmartre, la Tour Eiffel, les vitrines de Noël et quand j’ai dit à Bébé Lionceau qu’avec son frère on avait croisé le Père Noël dans une Fiat 500, elle était un peu dégoutée. On a ressorti les Légo de quand on était petits et on a lu des Journal de Mickey de 1985. Grand Frère Lion s’est demandé ce que ça pouvait bien être, Disney Channel, le samedi à 20h00.

A Paris j’en ai profité pour rencontrer des enseignants qui tiennent des blogs, le genre qui bossent même en vacances, d’ailleurs je les embrasse, et j’ai vu mes vieux poteaux et eux je les embrasse deux fois plus tellement je les aime.

A Paris, je me suis demandé pourquoi mes parents m’ont prénommé Vincent. Et puis je me suis souvenu : peu avant ma naissance, ils sont allés voir Vincent, François, Paul…et les autres. Je crois que c’est un film de Claude Sautet.

La classe découverte – Blog de Papa Lion

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Je tends à mon épicier des sous et du bout de gras à tailler : « alors, bientôt la quille ? ». Il demande « c’est où la quille ? ». Je lui rappelle notre dernière bavette : la Thaïlande, fin novembre. Parce qu’on est fin novembre, là. Commerce de proximité convivialité, réveille-toi Ponpon ! Il part dimanche. Il me dit qu’il a 7 heures de décalage horaire. Je dois prendre l’air connaisseur pour qu’il me demande : « c’est bien non 7 heures ? » Je lui dis que oui, c’est pas mal, 7 heures, je lui souhaite un bon voyage en Thaïlande et repars avec mes yaourts bulgares. On fait les voyages qu’on mérite qu’on peut.

Y’en a un qui va se payer un beau voyage, d’ailleurs c’est nous qui allons le lui payer, c’est Grand Frère Lion et sans décalage horaire. Il part en classe de découverte en Ardèche. La première réunion avait lieu hier, on a chambré les maîtresses en chambrées et réveillé nos souvenirs de veillées. Ils vont faire de la spéléologie, c’est bien, julevernien, on a quand même touché le fond de l’abîme quand des mamans fillonistes se sont emparées du micro et du sujet qui fâche : le téléphone portable, parce que quand même elles voudraient bien téléphoner à leur enfant, j’ai trouvé la maîtresse formidable, je ne sais pas si elle l’avait préparée avant, celle-là, mais elle leur a bien cloué le bec : « pas sûre que ça capte dans l’Aven d’Orgnac ». Du coup les questions diverses et avariées se sont recentrées sur l’essentiel : l’hôpital le plus proche, l’emplacement précis des maîtresses dans le couloir, l’insécurité à Méjannes-le-Clap. Je me suis senti en danger, j’ai pris mes enfants sous le bras et je suis parti.

Dans ma bagnole Grand Frère Lion a reconnu un regain d’enthousiasme pour ce premier voyage en collectivité : c’est l’Aven – ture ! Bon mot mal an le petit homme qui est quand même encore et pour toujours dans mon cœur un tout petit garçon me demande si les copains se moqueront de lui quand ils verront son doudou.

Ben quoi il a de la gueule ton doudou, c’est un éléphant qui t’a été offert par tes grands-parents, un vrai éléphant qui a déjà bien baroudé et qui sait gober les petites angoisses, faudra voir la tronche des doudous des autres là, les CM1 qui jouent aux hommes. J’ai de plus en plus de mal à supporter les brutasses du cycle 3.

En fait j’espère qu’il ne sera pas le seul à emporter un doudou. En réalité, j’aimerais bien qu’il délaisse un peu son doudou en rentrant de sa classe découverte. Pour de faux je lui jouerai le clin d’œil complice quand il montera dans le bus. Pour de vrai je pleurerai ma mère quand je monterai dans ma bagnole.

Etre fort et mater les photos – Blog de Papa Lion

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Il faut le faire alors on le fait, on visite le petit musée de l’école à Carcassonne, in situ in cité. J’indique à la dame que je fais partie de la grande maison, façon Bebel dans Peur sur la Ville, je montre ma carte de flic instit, le Pass Education de la mort qui tue les avantages des fonctionnaires, très bien, je paie 3 euros et je suis content, j’apprendrai en sortant que c’est le tarif adulte cash plein pot. Nous traversons des salles de classe reconstituées comme à l’ancienne, c’est-à-dire qu’il y a des tables face à une estrade et un tableau, Grand Frère Lion me demande quelle est finalement la différence avec l’école d’aujourd’hui et je lui dis qu’aujourd’hui on place les élèves par petits groupes qu’on appelle selon son humeur pédagogique ateliers ou îlots ou même groupes quand on n’est pas d’humeur pédagogique, d’ailleurs je note sur un petit post-il hypothalamusien qu’il faudra redisposer les élèves pas très disposés en frontal à la rentrée, un bon gros frontal et qu’ils ne me prennent pas le chou grave le jour de la rentrée.

Le jour de la rentrée c’est demain, c’est pour ça que je repense au petit musée de l’école de Carcassonne. Trop de vacances tue les vacances, trop de vacances les ressuscite. C’est ça les veilles de rentrée : un pas en avant, deux pas en arrière, c’est la politique, du bon vieil enseignant.

On voit quand même des bonnets d’âne dans une vitrine façon relique et on s’extasie : c’était quand même la bonne époque, on appelait cancres les cancres et on leur mettait un petit bonnet pour qu’ils n’aient pas froid à leurs grandes oreilles. On différenciait déjà à l’époque.

Clou de la visite : la séance d’écriture à la plume. On trempe notre petite plume dans l’encrier et on écrit, on buvarde, ce qui est bien, on bavarde, ce qui est moins bien. La dictée du jour qui est d’un jour très ancien me paraît quand même bien difficile, Grand Frère Lion s’en tire pas mal mais il écrit encore plus mal avec sa petite plume qu’avec son vieux friction. C’est quoi ce torchon ? Je vais pour dévitriner le bonnet d’âne mais mon fils n’est pas loin de pleurer alors je le rassure : on s’est fout, il la recopiera sur la tablette à la maison, sa dictée de 1952. Et Papi, il était né en 1952 ? Ben oui. Et il avait le bonnet ? Ben non. Enfin j’espère.

On prend la pose : clic clac on est Canon, mon fils cadre bien avec le décor alors il cadre dans le décor son père et sa sœur en photo, la plume aux lèvres et le sourire à la main. Ca fera de jolis souvenirs dit-il comme si tout cela n’était déjà qu’un souvenir.

Dans la dernière salle du petit musée de l’école de Carcassonne il y a une jolie collection de manuels scolaires, les plus anciens datent de Ferry, pas Luc mais Jules, c’est écrit en tout petit et ça manque d’images. Je leur préfère un manuel de mon époque à moi, post-dinosaure, on y parle d’URSS, ce n’est pas facile à expliquer à Grand Frère Lion, que ça passionne pourtant, encore moins facile pour Bébé Lionceau qui s’emmerde ostensiblement. Nous partons, après une marelle et quand elle se marre, elle, ma fille, ça a un vrai goût de vacances.

Dans la voiture qui nous ramène à Pezens, paisible commune cassouletienne bordée d’ennui et de platanes sur la nationale pour Toulouse, passant du coq au bonnet d’âne je fredonne que Toulouse, ben c’est la ville rose et pourtant c’est bien gris, Pezens, c’est gris comme la Toussaint, je passe du Renaud pour nous redonner des couleurs, nous regagnons notre maison de vacances, ping pong balles écrasées et folie de judo sur les tapis du capitaine ad hoc, puis c’est un cri déchirant dans la nuit : Grand Frère Lion a reformaté sa carte mémoire.

C’est pas comme ça qu’on aura de bons souvenirs.

Alors le lendemain on retourne au petit musée de l’école de Carcassonne, on explique que le petit bonhomme a adoré sa visite mais qu’il a effacé sa photo souvenir, on aimerait juste entrer pour refaire la photo dans la salle d’écriture. Peuchère mais bien sûr le péquelet, je ne comprends pas tout ce que me dit la dame mais grosso modo elle nous invite à reprendre la photo, gratos l’ami, sans montrer ma carte de Bébel. C’est beau l’école publique. Il ne me sert à rien, ce Pass Education.

Grand Frère Lion, soulagé, zoome et dézoome  dans la voiture, sur ce trajet déjà parcouru la veille, la photo de sa sœur de son père reprenant la pose et la plume. Il montre sa soeur à sa soeur qui y voit surtout une vue déjà vue, Bébé Lionceau a l’impression qu’on se moque un peu d’elle, faut dire ce qui est : on a vécu la même scène la veille.

Et comme Grand Frère Lion aime bien sa petite routine, ben dans la voiture, de retour vers Pézens, ville cassouletienne tout ça, à force de regarder sa photo chérie, re-clique malencontreusement sur le malencontreux bouton : Papa !!! J’ai encore reformaté la carte mémoire.

Foutue modernité, je vais lui coller un Kodak à disque de 12 poses, celui que Tonton avait quand il était petit mais qu’ai-je dit, voilà que Grand Frère Lion se met en tête d’appeler Oncle A. pour savoir où il a rangé son vieux Kodak à disque, non mais tu crois qu’il n’a que ça à faire, Oncle A. ? La pression de la dépression guette, Grand Frère Lion a le cafard, y’a des guerres et des cancers et des chocolatines à 15 centimes mais ce n’est rien comparé à une carte mémoire qui a la mémoire qui flanche deux jours de suite, et ça pour un petit pimousse de la fée qui déchante et qui a, lui, une foutue mémoire, c’est la fin du tout petit monde.

On aura qu’à y retourner demain ?

Non, Lapin, on ne va pas refaire le coup du petit musée de l’école de Carcassonne trois jours d’affilée sans quoi ce ne seront plus des vacances, j’entends un truc du goût de « tu parles de vacances », ça fait l’ado et ça n’a pas les pieds qui touchent le plancher et un peu les fils qui se touchent, je déborde un peu : tu nous casses les pieds avec tes photos, je n’ai pas gardé mon calme, j’empire sans contre-attaquer, bing bang boum je prends pour trois heures de déprime et même un cache-cache dans le joli parc qui longe l’Aude,là, l’au-delà dans lequel Bébé Lionceau goûte enfin aux joies des vacances n’y fera rien. Faut dire qu’elle est cachée derrière le marronnier et que sa couette dépasse, banane, on te voit. On fait la poutre sur la barrière et y’a de l’amour tendre sous le saule pleureur, voilà que Grand Frère Lion a trouvé l’arbre qui lui ressemble. Allez zou on rentre, on judokate de nouveau sur les tapis ad hoc, on ping-pongue, ça commence à venir, Bébé Lionceau ramasse les balles et dispose des raquettes de rechange sur la table ce qui ne facilite pas notre tâche mais attention, je crois que ça y est, Grand Frère Lion a retrouvé le sourire.

Et quel sourire. Le sourire du beau gosse, un sacré beau garçon mon gamin, faut dire que sa mère est une bombe et son père un obus, c’est un gros bébé bobo beau gosse qui rentrera à la maison avec le souvenir que Carcassonne, c’est la ville des souvenirs éphémères.

Des marrons dans la tronche de Chou Papier Toilette – Blog de Papa Lion

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Une figurinette en caoutchouc est suspendue depuis un bon mois au rétroviseur de mon tacot qui se métamorphose en limousine une semaine sur deux. On l’a appelée « Chou Papier Toilette » parce que c’est le joli nom que lui a trouvé Bébé Lionceau et que cette figurine ne valait rien avant d’être collée par la grâce d’un coup langue au miroir qui se trompe de direction, et de devenir alors un colifichet au grand banditisme car Chou Papier Toilette est un vilain : il gronde les enfants qui font les andouilles sur la banquette arrière. Quand ça canaille sur le deux tiers un tiers, les yeux de Chou Papier Toilette deviennent tout rouges. On se marre bien dans ma limousine.

Limousine qui vient fatalement de redevenir tacot par la disgrâce d’une fin de dimanche pluvieux donc imper. Je reviens marron chez moi et d’ailleurs il y en a jusque dans mon tiroir à chaussettes, des petits marrons surprise qu’on a ramassés par paquets de cent mille au jardin. J’ignore si je dois rire ou rire.

Forçons-nous à rire et quoi de plus drôle que le métier d’enseignant ? Par exemple, le Directeur académique des services de l’éducation nationale du Gard, en vocabulaire terrien le chef de chez nous s’appelle M. Pathos. Ca ne fera rire que les collègues mais c’est déjà ça. Au hasard encore : la mère de mon petit élève M. s’est convoquée d’elle-même l’autre jour parce que M. est un peu comme moi : il est dans le rouge à chaque fin de journée. Alors on fait le point. Moi : M. est très fatigué, ben oui mais il ne dort pas. Ah d’accord c’est pour ça. Moi, très psy (6 années d’études supérieures) : il pourrait dormir un peu plus par exemple. Mais c’est pas possible parce qu’il n’arrive pas à s’endormir. Moi : alors il devrait regarder un petit livre avant de se coucher. Mais c’est pas possible non plus ça parce qu’il regarde la télé très tard. Moi : ben vous pourriez éteindre un peu plus tôt et lui montrer un livre mais ça aussi c’est impossible car M. joue à la tablette après la télé. On arrive quand même à négocier un peu moins de tout ça et puis ce n’est pas fini, j’apprends que M. dort dans un lit parapluie. Un lit parapluie ? Ce n’est pas pour les bébés ça ? Ben si mais il a peur dans son grand lit. Mais sa tête ne touche pas les parois ? Ben si. Mais ça aussi ça l’empêche peut-être de dormir ? Ah oui peut-être. On négocie de refermer le lit parapluie (je le refermerais bien avec M. dedans mais ça je le garde pour moi) et je demanderai demain à M. s’il a dormi dans son lit de grand. On parle un peu du travail, quitte à enfoncer une porte ouverte parlons boulot : M. n’aime pas du tout, mais alors pas du tout, mais alors carrément pas travailler. Ca je vous le fais pas dire Monsieur, de toute façon M. il veut faire comme ses deux tontons plus tard. Lueur d’espoir quand même et semblant d’intérêt : et ils font quoi du coup les deux tontons ? Ben, rien. Ah. Verdict, le travail, c’est sûr, M. le maudit. On évoque aussi les gros mots parce que moi même si je dormais dans un lit parapluie je n’insulterais pas les copains à longueur de journée et la maman de M. s’indigne: avant le CP, M. ne disait jamais de gros mots. D’accord c’est donc de ma faute (je commence à perdre patience, j’ai mes enfants qui attendent avec Mathilde à la maison, Mathilde c’est la baby-sitter, une crème, mais enfin une crème qui a quand même une vie). Non ce n’est pas votre faute mais quand même l’autre jour y’a un camion poubelle qui est passé dans la rue et M. s’est précipité à la fenêtre pour crier : « P…..de s…… de f……… de etc. de camion poubelle ». Dans cette phrase, « camion poubelle » n’est pas un gros mot, je ne soupçonnais pas que tout le reste puisse sortir de la bouche d’un enfant de 5 ans et la maman de M. a une explication : M. est de la fin de l’année. Là je ne vois pas le rapport mais mes enfants qui m’attendent à la maison et Mathilde qui a une vie quand même, Mathilde si tu lis ces lignes sache que tu es la meilleure baby-sitter du monde, bref j’abrègerai après avoir pu évoquer un peu l’agitation de M. en classe. M. est très agité. Vous voyez, bon, c’est pas dramatique, mais M. passe son temps à se retourner et à agiter ses jambes, ça fait du bruit, ça dérange sa voisine et ça dérange tout le monde. Je m’attends à ce que ce soit la faute du lit parapluie ou ma faute à moi à y être. Eurêka je n’y suis pour rien : ça tombe là, d’un coup sec, d’ailleurs je crois que je n’oublierai jamais ce rendez-vous avec la maman de M. ; si M. est très agité, ce n’est ni ma faute ni la sienne. C’est parce qu’il a des vers.

On se serre la main et on se promet de se tenir au courant. M. me dit au revoir Maître, je lui réponds au revoir M., ce n’est qu’un enfant finalement, un enfant qui n’a pas beaucoup d’aide. Ah oui mais un sacré client. Je me demande ce que Céline Alvarez ferait avec M.

Dans les yeux de M., je crois lire un début de réponse : Céline Alvarez, elle ferait ch…

Ca m’échappe.

Voilà, c’est ça qui m’attend demain. N’empêche, penser à tout ça en me remettant au travail me fait oublier la pluie. Et aussi que dans le rétroviseur, tout à l’heure, à côté de Chou Papier Toilette, il y avait les deux yeux sombres ou peut-être devenus tout rouges d’un joli petit garçon qui attendait que la limousine de son Papa disparaisse au coin de la rue. Oui car c’est sûr : ma limousine soudain sous-équipée a attendu d’avoir déboîté pour redevenir tacot.

De droite, vraiment ? Blog de Papa Lion

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Un canard féminin, donc une cane qu’il m’arrive de feuilleter, moi l’homme, depuis que j’enseigne la théorie du genre à mes CP titre ce mois-ci : « Les enfants sont-ils de droite ? ». Ah oui tiens, la question du curseur politique des moins de dix ans mérite d’être posée. A question cane réponse conne : un peu oui et puis un peu non aussi. Je m’explique. Tentant d’initier ma fille à la prose de Saint-Exaspérant et au dessin animalier, je lui ai un jour demandé entre la poire et le babybel : « dessine-moi un mouton ». Notez que le ton de la demande confinait à l’injonction et déjà ma fille choisissait à dessein ses crayons à dessin eux aussi. Le mouton fut énorme et tenu en laisse, et c’est là que s’est révélée la tendance politique de ma jolie chérie : la princesse qui tenait la laisse était vêtue d’une robe immense et chaussait à chaque pied un escarpin pointu(re) 54. Elle portait une couronne arrogante et le prénom de ma fille. Ma fille n’avait pas choisi de dessiner n’importe quel mouton : elle avait dessiné le sien, celui d’une princesse bling bling qui considère que si à 5 ans on n’a pas de mouton, c’est qu’on a raté sa vie. Alors de droite oui, carrément, genre droite pas partageuse, elle a par exemple un papa et son papa c’est rien que le sien et sa maman c’est pareil, alors elle partage avec son frère sans quoi y’a monopole et tout un tas d’emmerdements mais n’envisageons pas le moindre service public des câlins : y’a des enfants qui n’ont pas accès à la tendresse eh ben tant pis, c’est comme ça, c’est la loi des hommes et il faut bien être le riche de quelqu’un. On ne peut pas accueillir toute la misère du monde dans le P3 de Papa ! Et ça capitalise, ça fructifie et ça en veut toujours davantage, parce qu’on n’a pas fait sur la joue ou sur le front ou qu’on n’a pas serré assez fort.

De droite aussi mon fils, self-made young man quelque part entre deux Donald, Trump et Duck, il fait du vélo tout seul, il lit tout seul, il passe ses après-midi tout seul et ses devoirs il les fait tout seul. Petit épargnant de ficelles scoubidous mais grand propriétaire de légos, c’est une fortune non négligeable qu’il accumule dans la chambre qu’il partage à désarroi aussi grand que sa sœur est petite. Le futur Picsou construit en Kapla des coffres forts qu’il m’est interdit de piétiner et bonne chance pour accéder à la salle de bains en pleine nuit. Que personne ne vienne piétiner ses plates-bandes. Alors bien sûr il fricote avec la plèbe : ses meilleurs copains sont le lego éboueur et même le lego pompier, un fonctionnaire dîtes ! Plus tard il sera médecin pour prescrire du Pivalone mais que les choses soient bien claires, ce ne sera plus remboursé. De bonne heure mon Bonheur veut qu’on lui serve un lait pas trop froid pas trop chaud pas trop tiède non plus et le pain de mie sera sans croûte. C’est de droit et de droite, donc.

Toutefois la politique est indécise. C’est le domaine des indécis heureux. A ce titre mes enfants sont aussi un peu de gauche, enfin parfois.

L’autre jour je rapportais à mon fils qu’un de mes élèves passait ses journées dans la rue avec des parents qui l’aident à réviser sa numération : 1664, 8,6. C’est dégueulasse de lui raconter des trucs pareils d’ailleurs il a bien culpabilisé 5 minutes d’avoir un papa qui boit des bières de luxe et c’est ça qui fait son côté de gauche : mon fils a de la compassion 5 minutes. Je crois bien qu’il l’aurait invité dans sa chambre, mon petit élève, et peut-être même qu’il aurait eu droit à jouer au lego, au moins le lego éboueur. Mauvais blague à part Grand Frère Lion est plutôt de gauche à bien y réfléchir : gauche tendance baba-cool, faut voir sa tête quand je lui propose d’acheter un nouveau pull, ben c’est pas la peine j’en ai déjà un, ben c’est pas grave s’il est un peu juste, ben de toute façon ce sera bientôt l’été, ben oui mon coco on a qu’à porter du 4 ans toute sa vie. Mon fils est un apôtre de la décroissance : on consomme trop, d’ailleurs on ne devrait pas manger autant, quel gaspillage, du coup à table c’est trois petits pois maximum pour pas abuser, la peau sur les os c’est bien assez et pourquoi donc prendre la voiture pour aller par ci par là quand on est si bien chez soi ? Il est écolo avec ça, quand je mets mon pot de yaourt dans la poubelle noire ça le rend Vert. Sa sœur est pire : elle a su lire BIO avant papa et maman, on ne se vantera pas que tout cela s’est passé en moyenne section, ben non il ne faut pas se vanter de ce genre de choses, on est de gauche mais modeste, ma fille c’est la gauche caviar quoique le caviar ça la ferait pas trop rêver, disons plutôt gauche chocapic : elle voudrait que tous les enfants soient heureux mais dans le petit panier de son vélo rose y’a qu’une place et c’est celle de son ours à elle, nabab parmi les parias.

Mes enfants seraient-ils centristes ? Centristes autocentrés, ce sont des enfants, leurs caprices c’est le caprice des dieux et j’espère qu’ils découvriront le plus tard possible les bêtises qu’on a tort de lire dans les mensuels.

(Ca me rappelle un article qui date d’une autre vie et donc d’un autre blog, disparu à jamais, mais dont voici une trace puisque c’est le sujet passionnant du jour, alors ça date de septembre 2012 et je me suis donc posé deux fois la question de la politique en quatre ans ce qui fait déjà deux fois de trop :

« Nous rentrons de l’école, nous marchons dans la rue. Grand Frère Lion me désigne un truc à gauche. Pas du doigt : il me dit de regarder à gauche, parce qu’il y a un truc. Je regarde à gauche. Rien. En fait, c’était à droite.

Je me dis que mon fils ne distingue pas encore bien sa gauche de la droite. Je lui explique que sa main droite est celle par laquelle il tient son crayon. Il me répond qu’il n’a pas de crayon dans la main.

Je rentre chez moi. Je rapporte cette anecdote à Bébé Lionceau, toute occupée à sortir tous les DVD de leurs boîtiers. Elle ne m’écoute pas. Je devrais la gronder. Pas pour les DVD, ça fait longtemps qu’elle les a rayés. Je devrais la gronder parce qu’on écoute son papa.

Alors je raconte cette histoire à Maman Lionne. Elle s’en fout, elle à qui il arrive également de confondre la droite et la gauche. Les lions ne font pas des chats.

Alors je me la raconte à moi-même et je repense à mon fils ; je me dis que ce n’est pas grave, confondre droite et gauche. Sauf qu’un jour, totalement, tendrement, tragiquement, mon fils demandera à son père s’il est de gauche ou de droite.

Celles de l’hémicycle, j’entends.

Alors, je me suis posé la question.

Je suis fonctionnaire ascendant enseignant. Je suis fier d’exercer un métier d’intérêt général. Je suis donc de gauche.

J’ai mis mes enfants dans le privé, parce que l’école publique de mon quartier pourri a une très mauvaise réputation. Je suis donc de droite.

Je crois au service public. J’aimerais plus d’Etat et je me désespère de voir l’enseignement, l’hôpital, la Poste désorganisés par les objectifs de rentabilité. Je compte la sécurité sociale parmi ce que nous avons de plus précieux en France. Je suis fier de payer des impôts. Je suis donc de gauche.

Je trouve qu’il y a trop d’assistés. J’aimerais bien payer un peu moins d’impôts, quand même. Je suis donc de droite.

J’aime Houellebecq, Céline, Drieu la Rochelle. Je serais d’extrême droite.

J’aime aussi Sartre. Je suis donc communiste.

Parmi mes meilleurs souvenirs d’enfance figurent les JT de Bruno Masure. J’étais déjà de gauche.

Parmi ces souvenirs, il y a aussi les émissions de Collaro (même pas honte), les matches de foot commentés par Roland et Larqué (même pas honte), les sketches de Michel Leeb (un tout petit peu honte). J’étais déjà de droite.

Je suis très attaché au respect des règles de la République. Aux règles de façon générale. J’aimerais qu’on applique le code pénal à la lettre. Je crois que respecter les règles, c’est être digne de la République dans laquelle on vit. Je suis de droite.

J’ai doublé par la droite. Je suis de gauche.

Une citation de Jean-Luc Godard se glisse dans cet article, faisant de moi un blogueur intello de gauche.

J’adore, j’adore mille fois le sketch de Bigard, La Chauve-souris. « Bon, admettons ». Je suis un blogueur populo de droite.

Dans mon métier, je suis conservateur. Ma pédagogie est assez transmissive, je l’assume et le revendique ; mes règles de classes sont à l’ancienne. Je ne pense pas qu’avoir mis l’élève au centre des apprentissages ait été une bonne chose. Un élève qui a des difficultés familiales n’a pas davantage le droit de se tromper ou de faire chier le monde qu’un autre. Je suis très conservateur, voire réactionnaire. Je suis très de droite.

Dans mon métier, je trouve que nous ne sommes pas assez. Il faut recruter des enseignants. Payer des enseignants n’est pas une dépense, c’est un investissement. Je suis donc de gauche.

Dans mon métier, il y a un paquet de planqués, de glandeurs. De nombreux enseignants sont des tire-au-flanc. Je pense qu’il faudrait les virer. Je suis contre la sécurité de l’emploi. Pour penser cela, je dois être de droite.

Oui mais je considère l’instruction comme le meilleur vecteur de réussite sociale. J’y crois. Je voudrais qu’à niveau égal, tout individu ait les mêmes chances. Je crois au mérite. Je voudrais que mes enfants réussissent par l’effort et non par l’argent. Je suis républicain. De gauche.

Que les chefs d’entreprise qui créent de l’emploi et donc de la richesse soient bien payés, très bien payés, ne me choque pas. Au contraire. Je trouve normal, sain, rationnel et juste que le patron vertueux gagne mieux sa vie que l’employé, aussi vertueux soit-il. J’admire l’entreprise, j’admire les entrepreneurs. Alléger les charges patronales ne me paraît pas aberrant. Tiens, je suis de droite !

Oui mais il y a tous ces patrons voyous…Et qu’un balayeur des rues touche le même salaire que moi ne me choque pas. Tiens, je suis de gauche.

Voilà.

Sinon, le truc que mon fils voulait me montrer, à droite là, ben c’était un panneau de signalisation routière. C’est son nouveau dada, les panneaux de signalisation, il voudrait nous en planter un peu partout dans la maison pour ne plus qu’on se rentre dedans. Ce panneau indiquait une interdiction de tourner. Mais alors, de quel côté, ça, j’ai complètement oublié. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Blog de Papa Lion – les paradoxes déconnent

Ca c'est un stylet stylé.
Ca c’est un stylet stylé.

Avant la réunion j’ai un moment d’intimité mais disons plutôt d’aparté pour qu’il n’y ait pas de malentendu car nul malentendu avec les parents de M., jamais de malentendu avec les parents de M, prenons nos gardes. Je les informe quand même : ce matin, mon stylet était en panne, impossible de faire fonctionner le tableau blanc interactif. Alors M. a analysé : ben ton stylo Maître il déconne alors je l’ai fait répéter et il déconnait encore le stylet alors j’ai appris à M. que déconner est un gros mot et qu’il valait mieux dire qu’il ne marchait pas ou mieux qu’il ne fonctionnait pas ou encore mieux qu’il dysfonctionnait. Et la maman de M. m’a rassuré : face à la stupéfaction tenace de M. le soir venu devant cette incohérence lexicale, le papa de M. a dit à M. que déconner était un gros mot à l’école et qu’il ne fallait l’employer qu’à la maison. Je ne déconne pas, c’est vrai, il le lui a vraiment dit. Je ne déconne pas.

J’ai un certain succès pendant la réunion avec mon tableau blanc interactif sur lequel je montre sans regarder ma montre à quoi ressemble une séance de lecture : le peuuu avec le aaaaa fait paaaaa et la plupart des élèves l’ont encapé sauf M. dont le père prend la parole, du coup ça sent un peu la bière et le tabac dans la salle de classe dans laquelle j’ai pris soin de ménager un courant d’air confère un précédent article.

« Et comment ben c’est pas à cause de votre tableau là ben comment que M., eh ben il arrive pas à déscotcher de sa tablette ? »

Je mords ma lèvre mais pas la poussière et ne lui réponds pas que c’est à cause de lui, la tablette, non, toujours professionnel je vante les mérites d’une pratique équilibrée des nouvelles technologies, j’utilise des mots simples sans illusion. Et puis je poursuis ma séance de lecture : avec le peuuu et le aaaaaaa on apprend à faire paaaaa et pa et pa ça fait papa, j’interprète des regards confiants, pas mal ce maître, et j’annonce fièrement que nous lisons les premiers mots : papa, papi, et fatalement pipe.

Le père et la mère de M. éclatent de rire. Pipe. Ils sont vraiment hilares, sourires gênés dans l’assistance. Bon. Problème de références, d’environnement social, intellectuel et là j’ai les fesses entre deux petites chaises de CP : on est l’institution et on aide car enfin ce n’est pas la faute de M. si ses parents boivent et fument à tel point que son cahier de liaison sent le tabac et la bière, il n’y est pour rien hein, et sans doute que ce n’est pas sa faute s’il insulte à tour de bras et qu’il parle sans cesse et que quand un stylo déconne ben M. le dit très fort dans la classe. « Maître il déconne ton stylo. ». C’est vrai moi j’ai été élevé sans gros mots parce que mes parents ont été élevés sans gros mots, dans les livres et la douceur, j’ai grandi avec des parents bien élevés et avec des livres et de l’attention et des rêves mais enfin y’a des moments où on craque et là j’ai envie de penser très très fort qu’ils pourraient faire un tout petit effort pour aider leur enfant. Mais non c’est mon boulot rien qu’à moi. Allez tous ensemble : ce n’est pas la faute des parents de M.

D’abord c’est un stylet, pas un stylo !

La réunion touche au but et donc à sa fin. J’oriente qui vers la responsable des activités périscolaires, qui vers l’orthophoniste, qui vers la sortie.

A peine plus tard je suis dans un bureau immense, trois salles de classe réunies, moquette blanche, bureau acajou, lampes design et bing je me mange une lampe design. Maître, elle déconne votre lampe. Enfin elle dysfonctionne. Enfin elle est trop basse quoi, on se fait mal ! Maman Lionne et moi signons une convention de divorce à l’aide d’un Bic bleu dysfonctionnant piqué à l’école. Je paraphe d’une main tremblante. Maître Truc, lui, montblante. Nous entérinons notre perte réciproque sans courir à notre perte et c’est là la magie du paradoxe et je me demande si un jour le paradoxe me foutra la paix.

Ben je suis triste et puis je m’égaye en pensant à vendredi. Je m’en fous de tout ça : je retrouve mes enfants vendredi.

Dans la rue je croise les parents de N. Attention à ne pas confondre M. et N. Tous ces parents-là picolent mais N. est roumain et ça c’est mon petit challenge parce que j’aimerais bien visiter Bucarest à l’œil. Ils ont rendez-vous devant le temple et c’est ça qui est magnifique dans une ville à tradition protestante peuplée de roumains à tradition templiste voire trappiste c’est qu’ils vont s’enquiller des bières devant le temple et qu’ils te le disent. Le père m’appelle Maître comme si j’étais son avocat à lampe trop basse et pourtant je ne suis que l’humble et incompétent Maître d’école de N., 1700 euros par mois, le nirvana pour les uns, Nirvana pour les autres. Alors je leur souhaite une bonne soirée, pourtant ils ne vont que boire des bières devant le temple et je ne suis pas sûr que N. saura ses voyelles demain. Je glisse quand même à son père que je prendrai N. en soutien et qu’il faudra signer un papelard, le père de N. signera tout ce que je voudrai. Je crois qu’il m’aime bien. Le temple me tend les bras mais non, je rentre chez moi et à demain, N.

Je m’en fous, je retrouve mes enfants vendredi.

La bienveillance – Blog de Papa Lion

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Lors de ma réunion parents-professeur de jeudi je promets sur la tête de mon tableau blanc interactif que le directeur fera court et qu’il y aura un courant d’air, de la fenêtre à la porte ou l’inverse.

C’est la réunion de grande section. J’y vais pour faire plaisir à ma fille et à sa maman parce que je sais déjà qu’on pratique la motricité tous les jours et la motricité fine tous les jours aussi. Au fait c’est quoi la motricité pas fine ? Ben la motricité large, la motricité bourrine, l’EPS, le sport quoi. Enfin on joue avec des cerceaux. Il fait chaud dans la classe et les deux maîtresses assurent qu’elles correspondent tous les mercredis (mon œil) et qu’elles entretiennent un cahier de liaison (mes fesses). Moi j’ai chaud je voudrais partir d’ailleurs je pars, présentant des excuses excessivo-maladroites à la maîtresse et demandant à un enfant passant par là où on peut se rafraichir un peu, voire s’asperger d’eau, foutue cagnasse, foutues salles exiguës, foutue situation. Je reprends ma place tout con tout confit tout confus, mon ex-femme qui n’est pas encore mon ex-femme me demande si ça va je dis ben oui, ça va. Mes genoux sont à l’étroit sous la table de maternelle, je préférerais une marelle avec Bébé Lionceau ou un baby-foot avec Grand Frère Lion mais ce ne serait pas bien vu d’autant que la directrice arrive. Elle nous parle de communication bienveillante mais elle n’est pas foutue d’ouvrir la fenêtre qui donne sur la rue, pourtant ça ferait un joli courant d’air bienveillant mais non, sans ouvrir le moindre carreau elle nous suggère de venir le samedi échanger. A propos de la communication bienveillante. Mais c’est pas vrai, ils tapent tous leurs enfants ou quoi ? Moi je suis bienveillant avec mes enfants, je les serre un peu fort parfois ça doit leur faire mal dans les côtes mais ils ne s’en plaignent pas. Je n’ai pas besoin de leçons de bienveillance, je suis bienveillant avec mes enfants et aussi avec mes 25 élèves et je suis même bienveillant avec leurs parents, et ça c’est méritant. Enfin l’autre jour dans la rue j’ai hurlé sur la mère d’A mais ils faut dire qu’elle n’était pas bienveillante avec le portail et qu’elle voulait appeler la police parce que son fils était à l’étude et qu’elle n’avait pas que ça à faire, attendre comme ça dans la rue. Je pense au contraire qu’elle n’a que ça à faire et comme ça l’ennuie que son fils étudie elle s’occupe en démontant le portail de l’école, bon d’accord je lui ai hurlé dessus, mais de façon bienveillante, après elle a juré dans une langue inconnue, j’ai juré aussi, on n’était plus très bienveillants mais et pour une fois ça m’a rendu service qu’elle ne parle pas français.

Il fait de plus en plus chaud, je sens la présence de la maman de mes enfants derrière moi, je sais qu’elle voudrait bien s’en aller elle aussi, on est cons aussi à y aller tous les deux.

Ca finit enfin, je m’offre une petite marelle avec ma fille, elle se marre, elle, elle a bien de la chance, elle, et moi aussi parce que son petit rire là, celui qu’elle a inventé pendant l’été ou qu’elle est allée pécher je sais pas où ben c’est pas qu’un rire, c’est de la bienveillance en barre pour son papa, je voudrais qu’elle rie de longue alors pour qu’elle rie un peu plus je demi-tourne sur « Ciel ». Si elle avait eu un élastique, je lui aurais appris la chaise. J’aurais inventé en tout cas parce que la bienveillance ça ne s’apprend pas le samedi matin avec la directrice, ça se passe par la main et par le rire.

Nous quittons l’école en pestant et en rigolant. C’est bon de pester et rigoler, c’est fédérateur. C’est malveillant pour la directrice mais c’est bon.

Il y a un fond de champagne sirupeux genre pas bon mais paraît-il bon quand-même alors je monte les escaliers et descends le champagne. On se reverra demain pour la réunion de Grand Frère Lion, on va se revoir alors je m’y revois un peu. Mais l’heure tourne, j’aurais bien aimé être bienveillant encore un peu. Mais non, je brise les côtes de mes deux enfants et puis  je pars.

 

Faire un métier sympa

Oh la belle école.
Oh la belle école.

J’ai dit que je ne voulais pas rentrer et on m’a ri au nez : deux mois de vacances et, jeudi, le marronnier auquel on n’échappe donc pas. Cette année je monte en première classe, celle où l’on apprend à lire, écrire et comptez pas sur moi pour oublier le fromage. Le CP c’est peu. J’espère que je ne vais pas leur marcher dessus.

Ben ils sont où les élèves ? Ah oui là devant moi. Je ne vous avais pas vus. Pourquoi vous avez tous le nez qui coule ?

Pendant ce temps, à l’autre bout de la ville, Bébé Lionceau et Grand Frère Lion, fourbus de vacances, fourbissent leurs armes avec leur maman. Ca doit coller de l’étiquette à tour de bras.  Si je n’ai pas les enfants à Noël, je me console en me disant que j’échappe aux étiquettes.

J’ai pensé ce matin qu’il fallait trouver un autre boulot, alors j’ai cherché. Y’a bien jardinier qui me plaît bien, jardinier c’est pas bien violent. La pression ? Oui alors peut-être la pression de l’échec, un peu comme au CP pour la lecture, on se demande si ça aura germé à temps. Bon. Je ne suis pas loin de penser qu’il ne se passe grand chose pour le jardinier s’il y a deux ou trois graines qui ne veulent pas « déclencher ». Ou fleuriste. Au moins ça a déjà poussé, le plus dur est fait, plus qu’à booker les bouquets. Il faut gérer les stocks ? Soit, ça ne doit pas être bien violent non plus ça, la gestion de stocks de fleurs, c’est pas comme un stock d’élèves de CP. Enfin je ne crois pas.

Ah oui mais le fleuriste n’est pas fonctionnaire et c’est quand même précieux la sécurité de l’emploi par les temps qui courent.

Quoi qu’il y a peut-être des fleuristes fonctionnaires ? Je me vois bien fleuriste fonctionnaire à l’Elysée, voilà, fleuriste de l’Elysée payé 10000 euros par mois.

Ou bien rien. Ne rien faire, tout en restant fonctionnaire. Tant qu’à rien faire, le faire à l’Elysée, tant qu’à faire. Voilà, j’aimerais être le mec qui ne fout rien de l’Elysée.

Bon. Il faut que je prépare mon casse-croûte pour demain midi.

(Bonne rentrée à tous les papas, les mamans, les enfants et les enseignants.)