Son programme est simplissime, qu’on vote pour lui puisqu’il est poli, sage et qu’il respecte les adultes. Ca peut prêter à sourire et j’avoue me tordre de rire et de plaisir en voyant son affiche. Je fais chauffer la photocopieuse pour la campagne électorale mais c’est inutile: cette campagne, elle est qu’orale, m’explique-t-il.
Puis je réalise qu’une personnalité politique polie, sage et qui respecte les adultes, on n’en a jamais vue. Quel génie. Alors je soutiens sa campagne en mettant mon petit QI au service de son petit QG. Si j’étais en CE2, je voterais pour lui, lui dis-je. Il lève les yeux au ciel : non Papa, il faudrait que tu votes pour Anna. Mais pourquoi ? Parce qu’elle était déjà députée au CE1.
Bon je m’énerve et je lui explique qu’on voit toujours les mêmes en politique et qu’il n’y en a pas un pour rattraper l’autre et que le changement ce ne sera décidément jamais pour maintenant si on ne confie pas les responsabilités à des petits gars polis, sages et qui respectent les adultes mais je lis dans son regard quelque chose du goût de « je vous demande de vous arrêter » alors j’arrête. Je reprends un peu quand j’apprends que lui-même ne votera pas pour lui-même. « Mais tu voteras pour qui banane ? – Ben pour Eliott, parce que lui personne ne le connaît et il risque de finir bredouille. »
La semaine passe et la campagne électorale aussi. J’imagine la campagne électorale de Grand Frère Lion, je pense très fort à Edouard Balladur dans le métro parisien. Je suis en 1993.
C’est vendredi et nous y sommes. Mon fils n’a pas l’air particulièrement nerveux. Il enfile un jogging, je trouve ça classe et inédit.
Et puis comme c’est vendredi nous nous disons au revoir à l’école le matin, un au revoir de sept jours, ceux-là qu’on se promet de faire passer mais qui ont du mal à passer et qui font paraître bien lourde la grande porte en métal. « Clang », je pars en courant me cacher dans ma voiture. Avant cela la bonne humeur est un peu exagérée dans la voiture et je suppose que les enfants comprennent que quand la musique est encore plus forte que d’habitude, qu’on monte sur les chaises et que Papa regarde beaucoup le rétroviseur, c’est que c’est vendredi dans ma tête.
La soirée électorale bat son plein mais mon député en herbe est chez sa maman. J’appelle. « Bon alors coco t’es député ? ».
Ben non, il n’est pas député. Pas dépité non plus, plutôt l’air de s’en foutre. Il se dit toutefois étonné de ne pas avoir été élu, en toute humilité. Anna a été élue avec quatre voix. Mon fils n’en a obtenu qu’une.
« C’est bien, t’as un copain qui a voté pour toi. »
Non plus, parce qu’il a finalement voté pour lui-même. Dans un éclair de lucidité façon BVA Harris , Grand Frère Lion m’informe que personne d’autre n’a voté pour lui, du coup.
J’ai envie de lui dire qu’ils sont tous cons, qu’Anna est corrompue, que la France va mal. Pour ne pas l’embarrasser je me contente de l’embrasser puis je raccroche en me félicitant d’avoir un petit bonhomme poli, sage et qui respecte les adultes.
Oh, j’aurais voté pour lui, si j’avais été en CE2!
Enfin, tant pis pour la députation, et puis finalement, ce n’est pas plus mal: « with great power comes great responsibility », et ça, il a bien le temps d’y goûter, ce jeune lionceau. (Oui, il faut toujours citer les classiques!)
Je me permets également de vous souhaiter que les sept « jours sans » passent aussi vite que possible.
Il ne perdra pas sa réputation dans la députation… belle consolation ?
Courage pour la semaine sans… c’est bientôt vendredi !
Un grand crû, Papa Lion, un grand crû ! Je lis et relis, un grand crû, vraiment, à déguster sans modération. Bravo !
Merci !