Je m’ennuie pas mal pendant que le formateur nous accable de sa position hiérarchique et sa chemisette jaune. Nous sommes debout, il est assis. Je note : « penser à m’asseoir plus souvent face aux élèves ». Enfin bon je m’habille chez Jules c’est quand même plus la classe ! Son powerpoint est agrémenté de quelques erreurs d’orthographe qui modèrent mon assoupissement et font le sel de ces animations peu pédagogiques. Il y est question du sens : il faudrait insister davantage sur l’explicite. Rappeler aux élèves qu’on apprend à lire pour savoir lire, ce genre de trucs. Ma présence stagne pourtant dans l’implicite vaseux. On m’a dit de venir, je voulais rester avec mes élèves, on m’a dit de venir quand même. J’ai très envie de partir tout de même quand on nous recommande de bien observer les élèves pour identifier ceux qui sont en difficulté. Je suis en TRES GRANDE DIFFICULTE et demande à aller aux toilettes en joignant le geste à la parole, tellement je ne peux pas me retiendre.
Comme souvent et parce qu’il n’y a pas mieux je pense à mon fils, élixir de paix intérieure. C’était à Castorama et pendant qu’on configurait une cuisine pour moi qui ne suis pas capable de le faire, le petit d’émoi testait toutes les cuisines et s’extasiait devant les charnières électriques et les tiroirs à épices. La blague : il ne les supporte pas, les épices. Ma conseillère (pédagogique) mention cuisine avait un sein gauche énorme et tatoué à sa mesure. Je m’extasiais aussi tandis qu’elle m’orientait, pour la pose, vers un artisan « qui travaille bien ». J’ai cru comprendre qu’elle le connaissait vraiment, mais alors vraiment très bien. Je suis reparti avec son mail et un tube de colle forte parce que je suis un papa qui bricole.
C’est l’après-midi formatage et nous changeons de formateur pour ne rien gâcher du temps perdu. Le temps, c’est de l’argent : voilà pourquoi nous sommes si bien payés. La formation c’est précieux dans l’éduc à la con nationale. Je crois bien que c’est la femme de l’autre, ils ont le même nom et les mêmes Birk en stock. L’IUFM n’a pas changé sauf le nom, que je n’ai d’ailleurs pas bien retenu, faut dire qu’on s’en fout. Y’a dans l’assistance (publique) un conseiller que j’aime bien, ce qui en fait quand même un, faut dire qu’il a le café chantant et de l’humour. Sans lui je partais à la pause et la mienne est à 10 heures le matin. Ses bons mots font passer le mal et l’heure plus vite. Je lui dédie cette publication parce qu’on voit très vite que c’est un mec bien. Alors en parlant de mec bien je pense encore à mon petit qui doit errer dans la cour et se chercher des sympathies chez les copains de sa petite sœur. Il veut écrire un texte pour le Printemps des auteurs, parce que le thème lui parle. C’est « La tête dans les étoiles ». Ouais, ça me parle bien aussi. On écrira à deux plumes à friction.
J’observe la circonscription avec circonspection. Comme eux non plus ne voulaient pas que j’aille à la formation (ils ont tout compris ces petits gars, la voix de leur maître !), j’ai promis à mes élèves de revenir lundi avec plus de choses encore à leur apprendre. Mensonge ! Promesse de Gascon ! On essaie de m’apprendre qu’il faut les observer. Bon. Ils me manquent, là. S’ils savaient à quel point on se moque d’eux, à l’école des maîtres et des maîtresses. L’inspecteur s’est costardé façon Célio pour nous vendre des litotes et même que ce sont de pâles euphémismes. Il s’écoute parler pour ne pas être le seul. Y’a la conseillère pédagogique qui ne dit rien mais consent et c’est déjà beaucoup trop. J’en ai vraiment marre. J’exulte quand je lis qu’il faut palier à l’échec. Ca me donne deux ailes, ça doit être l’esprit d’escalier. Se faire donner la leçon par des dysorthographiques me donne envie de faire arts plastiques toute la journée, lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi. Je me rappelle la grammaire chancelante de mon dernier rapport d’inspection, que je ne publierai pas par seul souci de pouvoir payer ma cuisine.
Du coup je repense encore à Castorama. Y’a des portes à vendre, des portes qui ne donnent sur rien. C’est un magasin où y’a des
portes ! Mon fils s’est amusé à les traverser. Absurde et jouissif. La vie, la tête dans les étoiles.
C’est drôle mais c’est triste.
Et pour les cuisines pas d’échec grâce à ton fils qui les a bien observé.
« J’exulte quand je lis qu’il faut palier à l’échec. Ca me donne deux ailes, ça doit être l’esprit d’escalier. » … Cette phrase est un pur bijou !
Merci pour vos textes que je continue à lire régulièrement, merci de nous les offrir !
ben merci de les lire alors !
Placement de produit particulièrement efficace.
Lors de notre prochaine rencontre, j’aimerais tellement vous admirer en costume Célio,Birk en stock aux pieds, devant votre nouvelle cuisine Castorama. Une quasi image de la réussite. Aussi fier qu’un inspecteur et bien plus classe qu’un conseiller pédagogique qui par définition a perdu la sienne.
détrompe-toi : casto ne me reverse pas un sou.
Fantasque’tique !
Preuve est donc faite – mais en tant que descendant d’une ligné d’enseignants et… d’inspecteurs, je n’en doutait guère – que les formation de l’EN sont aussi passionnantes que celles de « chefs de projets » auxquelles j’ai le plaisir de participer.
Tous ces gens qui se prennent au sérieux…
Est-ce qu’en retournant à Casto on a le droit d’essayer toutes les portes qui ne donnent sur rien ? Ou est-ce le néant qui est un tout… partout ?
Le néant est partout, oui !