Les abeilles – blog de papa lion

On rentrait de je ne sais plus où, c’était le piano ou bien la danse en tout cas c’était mercredi dernier, on regardait nos pieds, on s’est dit tiens une abeille, on a levé le nez, on a vu un énorme essaim alors on s’est calfeutré comme des nigauds. Mon fils était intrigué, ma fille effrayée et moi je ne savais pas trop quoi faire, je sais bien que les abeilles sont en voie d’extinction, j’ai bien compris qu’on disparaitra juste après elles si elles venaient à disparaitre juste avant nous, je n’ai rien contre elles, elles sont jolies, elles butinent, elles reproduisent, elles fabriquent du miel, elle ne feraient pas de mal à une mouche, mais enfin des milliers d’abeilles, tout de même, il fallait bien prendre une décision avant que les petites bêtes ne mangent les grosses. 

Je vous fais un d’essaim ?

J’ai décidé d’appeler Denis dont j’ai trouvé les coordonnées sur l’excellent site du syndicat gardois des apiculteurs, indispensable essentiellement, il faut bien le reconnaître, en cas d’invasion barbare. 

Nous enfilions nos costumes d’happy apiculteurs (dédicace à un chanteur que je n’aimais pas beaucoup, ben non je n’aimais pas beaucoup Bashung, je ferais bien du Bashung bashing mais il y a plus urgent : régler son compte à Bénabar) moins d’une demi-heure plus tard. La rigolade, surtout pour appuyer sur le déclencheur de l’appareil photo avec les mains gantées. Nous sommes bien tombés en tombant sur Denis, ingénieur à la retraite et apiculteur à plein temps. Grand sourire, grande barbe, infinie passion, il a tout expliqué des reines qui font bzz bzz à mes enfants. De la confiture à des cochons ? Certainement pas, d’ailleurs je préfère le miel. Ca tombe bien : de la gelée royale à des agneaux ! Ma fille se tenait malgré tout à bonne distance des travailleuses. Elle pensait « on s’en fout on n’y va pas » (pan, benne à barre) et puis a fini par s’approcher de l’abricotier colonisé. En serrant les dents, les fesses, les doigts. Et moi je serrais dans ma main ses petits doigts (pas besoin d’expliquer). Elle n’était pas rassurée mais elle s’est approchée. 

L’essaim était aggloméré sous une branche de l’abricotier qui n’aura finalement jamais rien donné d’autre que des abeilles, environ trois mètres au-dessus du sol. Denis a déployé son échelle, je la lui ai tenue en gardant d’un coin de l’œil le foutu essaim ; quelle pagaille là-dedans, ça s’agitait dans tous les sens. On ment à propos des abeilles. On les affuble d’une intelligence rare et d’un sens peu commun de l’organisation. Les entomologistes mentent religieusement : je les trouvais plutôt excitées et bien bordéliques, des milliers de petites hyperactives avec trouble patent de l’attention, quand on pense que l’avenir de l’humanité repose sur leurs épaules. 

La peste ? non, quelques milliers d’abeilles.

Et tout ça dans mon jardin. 

En plus elles n’ont même pas d’épaules. 

Elles voletaient dans tous les sens. Ce n’est pas voler ça. Denis les a enfumées, je trouvais que ce n’était pas volé. Comme j’avais la tête qui tournait moi-aussi j’ai proposé un verre d’hydromel à mon apiculteur qui m’a répondu jamais pendant le service, ce qui constituait un sacré revers. Le cou bien droit, il a brandi son épuisette sans cesser de bavarder et a fait nonchalamment tomber l’essaim dans la ruche posée à dessein sous l’arbre. Ca a fait un bruit sourd et les insectes les plus intelligents de la création sont docilement mais néanmoins bordèliquement entrés dans la ruche. Coucouche panier.

J’aurais aimé placer la photo dans le bon sens mais je ne sais pas faire. Pardon Denis. Désolé.

Pathétique épilogue. Et pis quoi ? Et pis Denis est reparti mais il m’a recontacté quelques jours plus tard, nos abeilles avaient bien grandi et s’étaient mises au charbon. Sur la vidéo, je ne les ai pas particulièrement reconnues, enfin si, un air de famille peut-être, cette énergie consacrée au travail, ce dévouement pour le chef, cette sacralisation du collectif. J’ai remercié Denis et je me félicite d’avoir participé à la survie de l’espèce par le truchement de son épuisette à petites bêtes. 

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